Autrefois redoutée et incontrôlable, la météo va-t-elle finalement être maîtrisée par l’Homme ? Si la question semble relever de la science-fiction, elle est bien réelle dans la tête des scientifiques, inquiets de la vitesse à laquelle se font ressentir les effets du réchauffement climatique et de la très faible action des gouvernements. Depuis une petite dizaine d’années, l’idée de géo-ingénierie trace sa route et figure parmi les solutions évoquées par les "techno optimistes", ou autrement dit ceux qui pensent résoudre la crise climatique grâce aux nouvelles technologies.
Dès 2014, ce terme apparaît dans le rapport de synthèse du Giec sur les changements climatiques. La géo-ingénierie y est définie comme un "vaste ensemble de techniques fonctionnant à grande échelle et visant à modifier délibérément le système climatique" pour lutter contre le réchauffement. Parmi ces méthodes figurent le stockage du dioxyde de carbone, la gestion du rayonnement solaire ou encore l’ensemencement de nuages ou "pluie artificielle".
Le Giec reste prudent
Et depuis, les entrepreneurs se bousculent au portillon pour développer ces technologies, en particulier pour la capture du carbone. La fondation XPrize d’Elon Musk attribue par exemple 100 millions de dollars chaque année au développement de ces procédés. Si le Giec rappelle cependant qu’il existe peu d’éléments pour évaluer "leur faisabilité, leur coût, leurs effets secondaires et leur incidence sur l’environnement", la pluie artificielle possède, elle, une longueur d’avance.
Car les scientifiques savent la créer. Testée auparavant - et officieusement - dans un cadre militaire en 1962 au sein de "l’opération Popeye", la pluie artificielle est réalisée grâce à une injection d’iodure d’argent dans un nuage, si celui-ci a une température inférieure à 0°C. Dans le cas contraire, on peut utiliser des sels hygroscopiques. Efficaces, ces méthodes ont été testées à plusieurs reprises au Moyen-Orient et en Chine pour lutter contre la sécheresse des sols. Et même en France via l’Association nationale d’étude et de lutte contre les fléaux atmosphériques (Anelfa), mais cette fois-ci pour prévenir des fortes chutes de grêle.
Une solution miracle ?
Alors, solution miracle ? Pas tout à fait, car comme le rappelle Jean-François Berthoumieu, directeur de l’Association climatologique du Sud-Ouest, "On ne fait pas de pluie quand le ciel est bleu". Interrogé par Socialter dans un numéro dédié à la géo-ingénierie, celui-ci reste sceptique. Car chaque nuage - quand il y en a - est unique et les capacités de précipitations sont multiples. "Il est impossible d’affirmer que l’on sait déjà ce qui va se produire au moment où on ensemence un nuage", précise-t-il pour Socialter.
De plus, la question des risques de toxicité de l’utilisation d’iodure d’argent se pose. Si l’Anelfa affirme que son utilisation pour l’ensemencement des nuages n’est pas dangereuse, les scientifiques restent prudents. Une étude anglaise menée par le centre pour l’Écologie et l’Hydrologie au début des années 2000 révèle que l’iodure d’argent, en dessous d’une certaine concentration, n’est pas toxique pour l’environnement. Mais cette substance est décrite comme "extrêmement insoluble" : le risque est donc qu’elle s’accumule et qu’elle puisse, au bout du compte, être néfaste.
Avec le réchauffement climatique et l'augmentation des périodes de sécheresse, l'enjeu de l'accès à l'eau et de sa qualité va prendre une place centrale dans les prochaines années dans les stratégies des gouvernements. En mars, l'ONU a organisé une grande conférence pour "éviter une crise mondiale" de l'eau en rappelant qu'aujourd'hui, deux milliards de personnes n’ont pas accès à l’eau potable, et 3,6 milliards sont dépourvues de systèmes d’assainissement gérés de façon sûre.