Une page d'histoire s'écrit ce mercredi soir. Après dix mois d'audience, la cour d'assises spéciale de Paris doit rendre son verdict en fin d'après-midi, après trois jours de délibération. Pendant dix longs mois d'un procès hors normes, soit 148 jours d'audience, les 2.400 parties civiles ont décortiqué la nuit des attentats du 13 novembre 2015, les parcours des accusés. Hors de la salle d'audience aussi, autour des lieux comme le Bataclan et les bars, où les terroristes ont frappé, les habitants attendent des peines à la hauteur de la souffrance qui marque encore le quartier.
"Ils doivent être punis !"
Il plisse les yeux pour lire les inscriptions sur la porte du Bataclan. "Je vois le mot 'Love' et des cœurs", décrit Laurent, qui se tord la bouche. Le retraité hésite à entrer dans le café mitoyen, puis se décide finalement. "C'est très très émouvant", assure-t-il au micro d'Europe 1. "J'attends ce verdict ! Je sais bien qu'il ne sera pas définitif et qu'il y aura probablement un appel, mais il faut que la justice passe... Ils doivent être punis !"
Un soulagement envisagé par certains. La fierté déjà, pour d'autres, qu'un tel procès s'achève : "Autrement, on n'est plus dans une société démocratique !", lance un voisin de la salle de spectacle. "On a tout eu, les cadavres plein de sang, partout dans l'immeuble… J'ai le souvenir d'une femme partiellement couverte par un drap, on voyait ses jambes", se souvient-il. "Elle était allée prendre un café, juste là ! Je me suis dit : 'Ils sont morts, nous on va vivre deux fois plus pour compenser la mort.'"
Une vie recommencée aux forceps
Pour plusieurs d'entre eux, impensable de vivre au rythme des audiences. Autour des bars ciblés par les terroristes, comme le Petit Cambodge ou la Belle Équipe, la vie a recommencé au forceps. La plupart des témoins sont partis ou restent muets, souligne un serveur du Carillon, arrivé il y a trois ans.
"C'est trop lourd, il faut qu'on oublie un petit peu, et qu'on passe à autre chose, même si on ne tournera jamais la page !" Hicham, 20 ans de terrasse dans le quartier, désigne la plaque commémorative, au coin de la rue. "Quand on vient boire le café, on fait vivre leur mémoire." Concernant le verdict, "quelles que soient les peines, elles seront insuffisantes", cingle-t-il, "et ne ramèneront personne".