Les services de police et de gendarmerie procèdent chaque année en France à quelque 47 millions de contrôles d'identité, selon une estimation inédite de la Cour des comptes révélée mercredi dans un rapport critique sur cette pratique des forces de l'ordre. La Cour, qui s'est appuyée sur les historiques de consultation de deux fichiers communs à la police et la gendarmerie - obligatoire lors d'un contrôle -, qualifie cette estimation de "massive" mais "entachée de nombreuses incertitudes", déplorant des "sources partielles et peu fiables".
20 millions de contrôles réalisés pour la gendarmerie, 27 millions pour la police
Elle a néanmoins été jugée "vraisemblable" par la police, la gendarmerie et la préfecture de police de Paris, interrogées par la Cour des comptes, a rapporté son président Pierre Moscovici lors d'une conférence de presse. Les magistrats de la Cour ont produit leur estimation en exploitant les historiques pour l'année 2021 des fichiers des personnes recherchées (FPR) et du système national des permis de conduire (SNPC). Chaque agent est censé consulter l'un ou l'autre lors d'un contrôle.
Dans le détail, 20 millions de contrôles d'identité, dont 8,3 dans le cadre d'un contrôle routier, ont été réalisés en 2021 par la gendarmerie. Les policiers ont eux réalisé 27 millions de contrôles, dont 6,6 millions sur les routes. Ces données comportent plusieurs biais, à la hausse comme à la baisse, précise la Cour.
Un dispositif inefficace et porteurs de discrimination pour les ONG
Certaines consultations de fichiers correspondent aux contrôles d'accès à certains sites et non à des contrôles de personnes, ou à des contrôles dans le cadre d'enquêtes judiciaires. Par ailleurs, aucune garantie n'existe sur le fait que chaque contrôle donne lieu à une consultation de fichier. Le recours aux contrôles d'identité est dénoncé par plusieurs ONG et des travaux de chercheurs, qui les jugent inefficaces dans la lutte contre la délinquance et porteurs de discriminations.
En octobre, le Conseil d'État, saisi par plusieurs ONG, a estimé que la pratique des contrôles au faciès "existe" et constitue "une discrimination" pour les personnes qui les subissent. Mais il s'était déclaré incompétent pour contraindre l'État à modifier de fond en comble sa "politique publique".