La révélation. L'expertise sur l'état de faiblesse de Liliane Bettencourt a-t-elle été réalisée en toute indépendance ? Le Parisien révèle jeudi que l'un des médecins chargés de l'expertise menée sur l'héritière de L'Oréal en 2011, nommé par le juge Jean-Michel Gentil, est en fait une proche du magistrat instructeur du dossier. En tant que meilleure amie de l'épouse du juge Gentil, le Pr Sophie Gromb aurait en effet été la témoin de leur mariage en 2007.
Qui est Sophie Gromb ? Le Professeur Gromb est chef du service de médecine légale du CHU de Bordeaux, précise Le Parisien. Elle est également experte près la Cour de cassation en "médecine légale du vivant", ajoute le quotidien. Elle a ainsi été nommée par le juge Gentil pour mener l'expertise médicale pour déterminer l'état de faiblesse de Liliane Bettencourt. Décrite comme brillante et très professionnelle, le Pr Gromb s'était entourée de quatre autres médecins, pour des disciplines qu'elle maîtrise moins, comme la neurologie.
Qu'en disent les principaux intéressés ? Le juge Jean-Michel Gentil n'a pas répondu aux sollicitations du Parisien. Son avocat en revanche ne semblait pas au courant de cette proximité entre le juge et le médecin. "J'avoue que je ne connais même pas le nom de ces experts", assure Me Rémi Barrousse. "Cela relève de la vie privée des gens, je ne vous répondrai pas", a quant à elle réagi Sophie Gromb. Le médecin glisse néanmoins que le juge est "un type bien".
Quel est le problème ? "Dès lors qu'un médecin est inscrit sur la liste des experts, rien n'interdit formellement au juge d'instruction de le désigner, même si c'est un ami. Mais il est alors évident que le juge commet là une faute déontologique, dont les avocats de la défense vont pouvoir tirer parti", analyse un haut magistrat dans les colonnes du Parisien.
Quelles conséquences ? Concrètement, les différentes parties au dossier pourraient demander l'invalidation de cet acte de procédure. Or "la plupart des mises en examen reposent sur cette expertise", rappelle un avocat du dossier. "Il appartiendra au procureur de la République de vérifier ces informations. Si elles étaient confirmées, nous envisagerons, avec l'ensemble des confrères, des initiatives judiciaires", indique ainsi Me Thierry Herzog, l'avocat de Nicolas Sarkozy.
Une collègue du juge Gentil prend sa défense. Valérie Noël, qui instruit le dossier Bettencourt en compagnie des juges Ramonatxo et Gentil, a pris la défense de ce dernier. "Ce n’est pas le juge Gentil qui a nommé Sophie Gromb comme experte, mais nous trois", a-t-elle expliqué à Francetvinfo. Si Jean-Michel Gentil n'avait pas précisé leurs liens d'amitié à ses collègues, Valérie Noël est claire : "la nomination de Sophie Gromb allait de soi". C'est "une experte qui fait référence", selon elle.
Que va-t-il se passer maintenant ? Les avocats des principaux mis en examen se sont réunis jeudi matin. Dans un communiqué, les conseils, notamment de Nicolas Sarkozy, Eric Woerth, Patrick de Maistre et François-Marie Banier, Stéphane Courbit et Pascal Wilhelm indiquent que "les liens de proximité anciens et très étroits" entre Sophie Gromb et le couple Gentil "caractérisent un conflit d'intérêts manifeste qui jette la suspicion sur l'impartialité de l'expertise sur laquelle repose la procédure d'instruction". Ils estiment "qu'il appartient désormais" au Procureur de Bordeaux "de tirer toutes les conséquences de ces atteintes aux droits de la défense et au droit au procès équitable qui a entravé la manifestation de la vérité".
Selon Le Point, ils pourraient ainsi déposer une demande d'annulation de l'expertise. La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux doit d'ailleurs rendre la semaine prochaine son jugement sur plusieurs requêtes en annulation. Si une nouvelle demande est faite entre temps, elle pourrait décider de repousser sa décision.