L’affaire Bettencourt s'est peut-être arrêtée, lundi devant la cour d’appel de Bordeaux. La juridiction girondine étudiait en effet la validité des enregistrements téléphoniques réalisés chez Liliane Bettencourt par son majordome. Ces écoutes avaient été transmises à la justice par la fille de la milliardaire - les deux femmes étant alors en conflit ouvert -, et sont à l’origine de ce dossier au final tentaculaire. Si la cour d’appel décidait de les invalider, ou si elle acceptait la requête en annulation des deux femmes, aujourd’hui réconciliées, l’affaire Bettencourt serait vidée de sa substantifique moelle. La décision a été mise en délibéré au 28 juin, 14 heures.
Les fameuses écoutes téléphoniques ont été réalisées fin 2009 et début 2010 par l'ancien majordome de Liliane Bettencourt. On y entend des conversations entre la vieille dame et différentes personnes, comme son homme de confiance Patrice de Maistre, ou son ami photographe François-Marie Banier. D'autres personnes sont citées aussi, comme l'ex-ministre du Budget Eric Woerth ou son épouse. Le majordome a ensuite remis ces enregistrements à Françoise Bettencourt-Meyers, la fille de l'héritière de L'Oréal.
Boîte de Pandore
Et en les transmettant à la justice, la fille de la milliardaire, qui voulait alors attaquer François-Marie Banier pour abus de faiblesse sur sa mère, a en fait ouvert une boîte de Pandore. Plusieurs volets, notamment politiques sont venus se greffer au dossier. Le ministre du Budget Eric Woerth, dans la tourmente pendant plusieurs semaines, sera finalement contraint de quitter son poste sous la pression.
Une grande partie de l'instruction aujourd'hui confiée aux juges Jean-Michel Gentil, Valérie Noël et Cécile Ramonatxo a pour base désormais ces enregistrements. Ils ont donc demandé à la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de leur dire si les enregistrements sont juridiquement exploitables, pour ne pas prendre le risque de voir invalider en bout de course une enquête de plusieurs mois.
Exploitables pour le parquet
Le parquet général, représenté par l'avocat général Pierre Nalbert, a répété que pour lui, les enregistrements sont parfaitement exploitables, en rappelant une "jurisprudence constante" selon laquelle il y a, en matière pénale, "plénitude" du principe de la liberté des preuves pour les particuliers.
Les avocats de Liliane et Françoise Bettencourt ont de leur côté plaidé l'annulation de ces enregistrements. Les deux femmes sont réconciliées, un accord a été trouvé avec François-Marie Banier qui est sorti de la vie de Liliane Bettencourt et elles aimeraient en finir avec toute cette affaire, ont-ils avancé. Plus prosaïquement, elles ne tiennent pas forcément à voir prospérer des enregistrements dont l'exploitation pourrait aboutir à des questions sur leur propre rôle dans des faits possiblement délictueux, en matière fiscale pour la mère, et en matière d'atteinte à l'intimité de la vie privée ou de subornation de témoin pour la fille.