C'est chose faite. Comme il l'avait annoncé vendredi matin sur Europe 1, le procureur de Nanterre, Philippe Courroye, a ouvert dans l'après-midi une information judiciaire contre X pour l'ensemble des enquêtes concernant l'affaire Bettencourt. Sur notre antenne, il avait déclaré qu'il obéirait à l'ordre de sa hiérarchie et qu'il saisirait "un réquisitoire introductif qui va entraîner la saisine d’un ou plusieurs juges d’instruction au tribunal de Nanterre. L’affaire leur sera confiée en attendant que la Cour de Cassation statue sur un éventuel dessaisissement", avait-il détaillé.
Trois juges d'instruction ont ainsi été désignés temporairement. Ils devraient être rapidement dessaisis à leur tour quand l'affaire sera dépaysée, comme le souhaite le procureur général de Versailles.
Parmi les faits retenus, figurent notamment un "trafic d'influence par une personne investie d'un mandat électif" qui concerne l'épisode où la police a établi qu'Eric Woerth était intervenu pour obtenir la Légion d'honneur pour Patrice de Maistre, gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, et un "financement illicite de parti politique ou de campagne électorale" concernant les allégations de l'ex-comptable de Liliane Bettencourt, Claire Thibout, qui a parlé d'une remise de 100.000 euros en espèces à Eric Woerth pour la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007.
Une nouvelle étape dans une affaire au long cours
Après des mois de polémique et de guerre ouverte entre deux magistrats, Isabelle Prévost-Desprez et Philippe Courroye, le procureur de Nanterre s'est vu ordonner cette semaine par son supérieur hiérarchique, le procureur général de Versailles, de se dessaisir des affaires au profit d'un juge d'instruction, qui devra lui-même accepter le transfert de son dossier dans un autre tribunal.
"Les magistrats, qui reprendront le dossier, ne repartiront pas de zéro", a assuré le procureur sur Europe 1. Et Philippe Courroye d’insister sur tout le travail réalisé par ses services. Il y a eu 3.345 feuillets de faits, 353 scellés de confectionnés, 37 perquisitions et transports, 3 expertises dont un examen comptable qui est en cours et une demande d'entraide avec la Suisse". "Alors, pour une enquête qui devait viser à étouffer une affaire, vous avouerez qu’on peut faire mieux", a ironisé le procureur de Nanterre.
"Une symphonie inachevée"
Non, Philippe Courroye ne sent pas désavoué dans le dossier Bettencourt. "Je ne suis pas humilié, ce n’est pas un problème personnel, on n’est pas propriétaire de ses dossiers mais je suis déçu pour la justice", a t-il reconnu. Il a ainsi insisté encore une fois sur tout le travail effectué par ses services. "Dans trois semaines-un mois, nous étions capable de prendre toutes les mesures de la procédure. Il restait quelques auditions à faire, dont l’audition d’Eric Woerth, a-t-il expliqué. "C’est une symphonie inachevée", a résumé Philippe Courroye.
Au sujet des soupçons de manipulation politique évoquée par l’ancienne juge d’instruction Eva Joly pour expliquer la demande de dépaysement du dossier, Philippe Courroye a nié toute intervention de l'exécutif. "Eva Joly aurait besoin de se remettre à niveau au niveau de la procédure pénale", a commenté laconiquement le magistrat.
"Il serait temps de refermer la boîte à fantasmes"
Interrogé sur les relations personnelles qu'il entretient avec Nicolas Sarkozy, Philippe Courroye s'est agacé des soupçons de proximité. "Il serait temps de refermer la boîte à fantasmes". "Je n'appartiens à aucune organisation, ni parti politique", s'est-il justifié. "La seule question qui compte, est-ce que je n'ai pas fait mon travail ? Est-ce que ces enquêtes ne démontrent pas qu'en l'occurrence, le parquet a fait un travail considérable ?", s'est offusqué le magistrat.