La tentaculaire affaire Bettencourt n'en finit pas de faire des vagues et s'invite dans la campagne. Les dernières révélations dans la presse se concentrent sur des sommes qui auraient transité par Patrice de Maistre, ancien gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, mis en examen et écroué. Leur destination : un possible financement illicite de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007. Du PS au FN, la classe politique a sommé le président-candidat de s'expliquer. Europe1.fr récapitule les dernières révélations, et les réactions qu'elles ont suscitées.
Acte I : des révélations dans la presse. Le 14 mars, l'hebdomadaire Marianne évoque le rapatriement, depuis les comptes suisses de Liliane Bettencourt, de quatre millions d'euros en liquide, par Patrice de Maistre. Dimanche, le JDD, se basant sur l'ordonnance rédigée par le juge Jean-Michel Gentil pour incarcérer Patrice de Maistre, évoque un retour de fonds de 400.000 euros. L'argent serait arrivé le 5 février 2007, à l'avant-veille d'un rendez-vous entre Patrice de Maistre et Eric Woerth, alors trésorier de l'UMP. Claire Thibout, ex-comptable de Liliane Bettencourt, a toujours affirmé que Patrice de Maistre lui avait dit vouloir remettre de l'argent à Eric Woerth.
Un autre retour, du même montant, est découvert à la date du 26 avril 2007. Le même jour, dans son journal, François-Marie Banier, à l'époque proche de l'héritière de L'Oréal, évoque une confidence de la milliardaire : "De Maistre m'a dit que Sarkozy avait encore demandé de l'argent. J'ai dit oui", écrit-il.
Le photographe fournit au juge Gentil des explications embarrassées, selon Le Monde. Il explique notamment qu'au moment où il note cette phrase dans son carnet, "elle n'a pas encore donné cet argent et on ne sait pas si elle le donnera". "Je ne suis pas sûr qu'elle ait mentionné le nom de Sarkozy, mais c'était quelqu'un d'important", poursuit-il.
D'après le quotidien du soir, un ancien chauffeur aurait dit au juge, le 8 mars, qu'une ancienne gouvernante lui avait fait confié qu'à l'époque, "Monsieur Sarkozy était venu pour un rendez-vous voir Monsieur et Madame très rapidement, que c'était pour demander des sous".
Acte II : Sarkozy sommé de s'expliquer. Dans la foulée des révélations de la presse, la classe politique s'en prend à Nicolas Sarkozy. Benoît Hamon, porte-parole du PS, estime ainsi lundi que le président-candidat, "directement visé", doit "cesser de fuir, de s'échapper, de s'abriter derrière d'autres" et "s'expliquer".Le Front national réagit à son tour, par la voix de Wallerand de Saint Just, le porte-parole de campagne de Marine Le Pen. Celui-ci appelle Nicolas Sarkozy à s'expliquer, estimant que "les soupçons sur la régularité du financement de la campagne de 2007 de Nicolas Sarkozy existaient déjà" et sont "considérablement renforcés".
Même son de cloche du côté du MoDem, où le porte-parole Yann Werhling juge "souhaitable que l'on sache très vite" ce qu'il en est de ces informations". "C'est tout le pays qui a besoin de savoir", lance-t-il. Quant à Eva Joly, candidate Europe Ecologie-Les Verts et ancienne juge d'instruction, elle appelle, aussi, le président-candidat à "renoncer à son immunité et à aller s'expliquer".
Acte III : le camp Sarkozy dit stop. Après un silence de quelques jours, le camp de Nicolas Sarkozy finit par répliquer. Nadine Morano est la première à dégainer mardi soir. La ministre de l'Apprentissage estime que "la ficelle est très, très grosse" de ceux qui veulent faire "l'amalgame" entre l'affaire Bettencourt et le financement de la campagne en 2007.
"Nous ne sommes dupes de rien", lance pour sa part Jean-François Copé, le secrétaire général de l'UMP. Valérie Pécresse, porte-parole du gouvernement, déplore quant à elle le "mépris" du PS pour la présomption d'innocence et voit dans les "attaques" contre le président-candidat un signe que "l'antisarkozysme est certainement l'unique moteur de leur campagne".
"Il faudrait faire un parallèle intéressant […] entre la résurgence dans les médias des tentatives de faire le lien entre Nicolas Sarkozy et différentes affaires politico-financières et les sondages", tacle Nathalie Kosciusko-Morizet, porte-parole de campagne de Nicolas Sarkozy.
Le principal intéressé, lui, se montre lapidaire. Interrogé sur le sujet, il dit n'avoir "pas de commentaire" à faire, se contentant de lâcher : "Le Monde fait campagne pour François Hollande, il a le droit". Pas sûr que cela suffise à éteindre la polémique. Manuel Valls, porte-parole de campagne de François Hollande, a estimé mercredi qu'on était "aux portes d'un scandale d'Etat".