Me Lantourne de nouveau face aux enquêteurs. L'avocat de Bernard Tapie a une nouvelle fois été placé mardi en garde à vue dans l'enquête sur l'arbitrage Tapie/Crédit lyonnais. Le conseil avait déjà été entendu le 28 mai dernier avant d'être relâché six heures plus tard, sans qu'aucune poursuite ne soit engagée contre lui. Cette deuxième garde à vue intervient au lendemain du placement en garde à vue de l'homme d'affaires.
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Quel est le rôle de Me Lantourne dans l'affaire Tapie ? L'avocat est suspecté d'avoir entretenu des liens professionnels anciens avec Pierre Estoup, l'un des trois juges arbitres du tribunal arbitral chargé en 2007 de régler le contentieux opposant l'homme d'affaires à l'Etat sur la revente d'Adidas par le Crédit Lyonnais, en 1993. Un arbitrage privé et coûteux qui a permis à l'homme d'affaires de toucher 403 millions d'euros. Soupçonné d'entretenir des relations professionnelles à la fois avec Bernard Tapie et Me Lantourne, Pierre Estoup a par sa part été mis en examen pour escroquerie en bande organisée.
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Le juge Estoup suggéré par Me Lantourne ? A présent les enquêteurs s'intéressent à Me Lantourne, avocat de longue date de Bernard Tapie qu'il a a connu en 1996, et lui reprochent de ne pas avoir fait état de ces relations professionnelles comme le veut la loi lors d'un arbitrage. Lors de sa première garde à vue, Me Lantourne avait notamment été interrogé sur les conditions de désignation des arbitres. Ce fut un choix collégial, a-t-il dit en substance. Mais selon les indications de Me Gilles August, avocat chargé du passif du Crédit Lyonnais, c'est bien Me Lantourne qui a suggéré le nom de Pierre Estoup. C'était un nom parmi d'autres, avait déclaré Me Lantourne aux enquêteurs.
Interrogé, Me Lantourne avait seulement indiqué avoir eu trois arbitrages avec Pierre Estoup. "Nous avons eu trois arbitrages ensemble en dix ans, les règles non obligatoires préconisent de le signaler lorsqu'il y en a eu trois en trois ans", avait précisé Me Lantourne. Selon lui, à l'époque, personne n'avait demandé que Pierre Estoup soit récusé comme arbitre. Lors de leur perquisition, les enquêteurs ont par ailleurs mis la main sur un courrier de Pierre Estoup à Me Lantourne sur l'arbitrage, qui pourrait s'avérer compromettant. "Je me suis attaché à assurer la sécurité juridique" du compromis "supprimant tout ce qui pouvait ouvrir la voie à d'éventuels recours", précise Pierre Estoup en demandant à l'avocat de lui donner très rapidement son avis. Or, selon l'enquête, aucun autre avocat n'a semble-t-il reçu cette lettre.
Me Lantourne a-t-il dupé Bernard Tapie ? Les enquêteurs soupçonnent également Me Lantourne d'avoir pu confier des missions, rémunérées, à Pierre Estoup, notamment dans d'autres affaires concernant Bernard Tapie. De leur côté, l'homme d'affaires et son ancien conseil ont démenti. Mais les policiers soupçonnent Me Lantourne d'avoir dupé Bernard Tapie sur ses relations avec le juge Pierre Estoup. Le professeur de droit Thomas Clay, qui était sur Europe 1 il y a quelques jours, évoquait d'ailleurs cette piste. Il n'exclue pas en effet que Bernard Tapie ait été dépassé dans la gestion de ce dossier par Me Lantourne qui connaissait parfaitement le juge arbitre Pierre Estoup.
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Où en est-on aujourd'hui ? A ce jour, trois personnes ont été mises examen pour escroquerie en bande organisée : Pierre Estoup, Stéphane Richard, actuel PDG d'Orange, et Jean-François Rocchi, l'ancien président du CDR, l'organisme chargé de gérer le passif du Crédit lyonnais. L'ex-ministre de l’Economie, Christine Lagarde, a été placée parallèlement sous le statut de témoin assisté par la Cour de justice de la République. Claude Guéant, ex-secrétaire général de l'Elysée, et François Pérol, son adjoint, devraient être prochainement entendus, selon une source proche de l'enquête.
Qui est le prochain sur la liste ? Cela dépend, en partie, des déclarations de Bernard Tapie et des personnes qu'il pourrait mettre en cause. Visiblement, l'homme d'affaire s'est défaussé sur son avocat de l'époque, Me Lantourne. Ce qui explique sa nouvelle convocation. Mais l'audition la plus attendue, la plus logique, c'est celle de Claude Guéant, à l'époque secrétaire général de l'Elysée. Une entrevue qui parait très probable.