Pour la cinquième fois en l'espace de quelques jours, Claire Thibout, l'ex-comptable de Liliane Bettencourt, a été entendue par la police jeudi après-midi. Face à elle, pour leur première confrontation, Patrice de Maistre, le gestionnaire de fortune de l'héritière de L'Oréal. Chacun a campé sur ses déclarations précédentes.
Que dit exactement Claire Thibout ? Mediapart, qui avait recueilli les premières déclarations explosives de l'ancienne comptable, publie jeudi soir "l'intégralité de [ses] déclarations aux enquêteurs" faites mercredi. Un document dans lequel elle confirme en grande partie ses accusations, notamment contre Patrice De Maistre et Eric Woerth, même si elle fait marche arrière sur certains éléments.
Elle confirme la scène des 50.000 euros
Claire Thibout confirme notamment sa principale révélation : la remise d'une somme en espèces destinée à Eric Woerth avant la présidentielle de 2007. "M. de Maistre m'a (...) demandé quel montant je détenais et j'ai mis dans une enveloppe la somme de 50.000 euros pour Mme Bettencourt", peut-on lire dans le procès-verbal, confirmant des informations déjà révélées par Le Monde. Elle assure que Patrice de Maistre lui a alors glissé "le nom de la personne pour laquelle cet argent était destiné" : Eric Woerth.
En revanche, Claire Thibout se rétracte sur la date du 26 mars 2007, celle que Mediapart avait citée pour cet événement. "C'est Mediapart qui m'a dit 'j'ai des informations c'était le 26 mars 2007'. Je leur ai répondu 'oui peut-être' mais je ne leur ai jamais dit 'oui c'est le 26 mars'. De toute façon, je n'avais pas mes cahiers et je ne pouvais pas être aussi affirmative", explique Claire Thibout.
Ce que disent les carnets
Ces fameux carnets, un temps introuvables, sont réapparus et ont été remis à la police par l'avocat de l'héritière de L'Oréal, Me Georges Kiejman. Ce dernier a montré des photocopies des carnets de caisse sur ile journal Libération en reproduit des extraits dans son édition de jeudi.
C'est dans ces carnets que Claire Thibout, comptable de la milliardaire de 1995 à 2008, dit avoir consigné tous les retraits en espèces effectués sur deux comptes bancaires de la milliardaire, et leur usage. Il y figure bien la trace d'un retrait de 50.000 euros sur un compte de Liliane Bettencourt à la BNP, à la date du 26 mars 2007.
Libérationprécise également qu'on remarque à la date de janvier 2007 une dépense de 100.000 euros avec la mention "Monsieur", apparente allusion à André Bettencourt. La comptable a déclaré à Mediapart qu'elle portait toujours cette mention lorsque l'argent était remis à des hommes politiques, pour qu'il n'en reste pas de trace écrite.
"Ma cliente est catégorique. Quand on sort 100.000 euros pour Monsieur Bettencourt, ce n'est pas pour aller chez le coiffeur", a commenté l'avocat de Claire Thibout, au Figaro. Mais, selon Me Kiejman, avocat de Liliane Bettencourt, rien, sur ces pages, ne vient confirmer un tel usage.
Ce que Claire Thibout infirme
Sur d'autres aspects de ses déclarations reprises par Mediapart, Claire Thibout fait cependant marche arrière. "Je n'ai jamais dit que des enveloppes étaient remises régulièrement à M. Sarkozy", lâche-t-elle notamment. "L'article de Mediapart me fait dire que j'aurais déclaré quelque chose concernant la campagne électorale de M. Edouard Balladur. C'est totalement faux, c'est de la romance de Mediapart", précise-t-elle par ailleurs.
Mais "j'ai effectivement dit à Fabrice de Mediapart [le journaliste qui suit ce dossier, NDLR] qu'il y avait souvent des hommes politiques à la maison. Je n'ai pas parlé de 'défilé' ni qu'ils venaient surtout lors des élections. Je lui ai seulement dit que souvent ces messieurs venaient pour avoir de l'argent. Je lui ai dit que je n'ai jamais assisté à une remise d'enveloppe à ces personnes", ajoute l'ancienne comptable, en prenant soin de nuancer ses propos.
Confirmant les informations du Monde.fr, Claire Thibout indique notamment que l'hôtel particulier de Neuilly-sur-Seine était lieu très fréquenté par les politiques, qui "venaient pour avoir de l'argent". Parmi les habitués : le couple Chirac, M. Balladur, Danielle Mitterrand, Nicolas Sarkozy et Eric Woerth "plus récemment". "Généralement, ces personnes avec leurs épouses venaient sur invitation pour un repas", précise l'ancienne comptable dans le procès-verbal de son audition.
Mediapart se défend
Le site internet Médiapart, par la voix de son rédacteur en chef, a dit maintenir "mot pour mot" "l'intégralité de ses écrits du 6 juillet", expliquant avoir eu avec Claire Thibout trois entretiens au total, en présence d'un témoin. "On garantit le caractère méticuleux, rigoureux des propos rapportés", a insisté François Bonnet.