Le coupable porte un nom barbare : néonicotinoïde. Il s'agit d'une classe de pesticides largement utilisés depuis les années 90, et dont la nocivité pour les abeilles et les bourdons vient d'être prouvée par deux études française et britannique, publiées jeudi aux Etats-Unis. Le ministère de l'Agriculture a réagi jeudi soir, annonçant qu'il envisageait d'interdire le Cruiser OSR, du groupe suisse Syngenta, qui contient du thiamétoxame.
Paris attend, d'ici fin mai, un avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire sur l'étude pour savoir si l'autorisation de mise sur le marché doit être retirée.
Des abeilles équipées d'une puce
Depuis plusieurs années, les populations d'abeilles et de bourdons sont en fort déclin, surtout en Europe et aux Etats-Unis. L'hypothèse des pesticides était déjà envisagée, mais jusqu'ici, les scientifiques ne comprenaient pas comment ils pouvaient agir.
L'étude française, menée par un chercheur de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra), Mickaël Henry, et un autre des instituts des techniques agricoles, Axel Decourtye, s'est concentrée sur les abeilles. 653 de ces insectes ont été équipés d'une puce à radio-identification (RFID) permettant de les suivre.
Certaines ont ensuite reçu une dose de thiamethoxame, pesticide présent dans le Cruiser OSR. Les scientifiques ont alors constaté que les abeilles avaient du mal à retrouver leur ruche, car le pesticide interférait avec leur système cérébral de localisation. Désorientées, un grand nombre d'abeilles sont ainsi mortes. Cette mortalité a pu être intégré à un modèle mathématique. Conclusion : les populations d'abeilles exposées chutent à un niveau tel qu'elles ne peuvent plus se rétablir.
Des bourdons qui se nourrissent moins
Outre-Manche, ce sont deux chercheurs de l'université de Stirling, Dave Goulson et Penelope Whitehorn, qui se sont penchés sur des colonies de jeunes bourdons. Ceux-ci ont été exposés à de faibles doses d'un autre pesticide néonicotinoïde, appelé imidaclopride. Les doses choisies par les scientifiques sont comparables à celles qui se trouvent dans la nature.
Les chercheurs britanniques ont comparé le poids des nids des bourdons avant et après l'expérience et constaté que les colonies exposées avaient trouvé moins de nourriture, étaient plus petites et produisaient 85% de reines en moins. La raison : les bourdons ne fournissaient sans doute pas assez de nourriture pour la reine. L'année suivante, il y avait 85% de nids en moins.
Au Royaume-Uni, le bourdon est particulièrement menacé, s'est alarmé Dave Goulson, rappelant que "trois espèces sur 27 sont éteintes" et que sept sont en danger.