Après avoir recensé 3.000 personnes à la rue, Paris découvre le visage de ses sans-abri : des hommes surtout, et un nombre croissant de femmes, dont près la moitié vivent depuis plus d'un an dans la rue, selon le rapport d'une association. L'Atelier parisien d'urbanisme (Apur) a publié lundi son analyse des données recueillies en février lors de la "Nuit de la solidarité". Ce recensement inédit, effectué par des bénévoles, avait permis de dénombrer 3.035 sans-abri dans les rues de Paris, tandis que 18.150 personnes étaient accueillies dans des hébergements d'urgence.
20 % des SDF à la rue depuis plus de cinq ans. Près de la moitié (46%) des SDF interrogés sont à la rue depuis plus d'un an, et 20% d'entre eux le sont depuis plus de cinq ans, relève le rapport. Ces sans-abri sont très majoritairement des hommes (88%). Si les femmes sont minoritaires, l'Apur remarque "une féminisation de la population à la rue": en 2012, date de la dernière enquête de l'Insee sur les SDF, les femmes représentaient seulement 2% des sans-abri de l'agglomération parisienne.
Les femmes moins visibles mais plus vulnérables. Le nombre de femmes recensées en février est d'ailleurs "certainement un nombre a minima de la réalité", selon l'association. Car les femmes à la rue adoptent des "stratégies d'invisibilité": elles essaient plus que les hommes de se cacher pendant leur sommeil, en dormant à l'hôpital ou dans une voiture.
Les femmes sans-abri apparaissent aussi plus vulnérables : seules 12% d'entre elles sont suivies par un travailleur social, contre 28% pour les hommes. Elles sont aussi moins nombreuses à avoir une couverture maladie (21% contre 33% des hommes). Vingt-trois familles, avec 35 enfants, ont également été recensées.
Faible recours aux dispositifs d'urgence. Hommes ou femmes, les sans-abri ont peu recours aux dispositifs d'urgence : 45% déclarent n'avoir jamais dormi dans un centre d'hébergement et 65% n'ont même jamais appelé le Samu social, au 115. Ils sont 19% à ne pas connaître ce numéro. Ceux qui en sont informés expliquent leur découragement par plusieurs raisons : le 115 est souvent difficile à joindre, leur a déjà répondu qu'il n'y a pas de place, ou ils évoquent des problèmes d'insécurité ou des vols dans les centres d'hébergement d'urgence.
Un tiers mendie. Le rapport détaille également les ressources des sans-abri. Environ un tiers mendie pour vivre et la même proportion perçoit des allocations ou des minima sociaux (respectivement 36% et 34%), 22% font des "petits boulots", 8% bénéficient de l'aide de proches ou amis. Ils sont également 3% à toucher une pension de retraite et 5% à percevoir un salaire grâce à un travail déclaré. Enfin, 16% des sans-abri parisiens ont moins de 25 ans. Pour ces jeunes, la précarité est souvent récente : 56% d'entre eux sont à la rue depuis moins de trois mois.