Un parcours "civique" plutôt que militaire, une forte incitation au volontariat plutôt qu’une obligation… Un rapport parlementaire, qui doit être examiné mercredi à l’Assemblée nationale et dont des extraits ont été publiés par Le Monde, Reuters et France Inter mardi, propose aux adolescents de réaliser leur service national universel entre l'âge de 11 et 25 ans, en trois étapes distinctes. Avec des obligations et des mesures incitatives plutôt que contraignantes, pour ne pas toucher aux libertés individuelles.
- 800.000 jeunes chaque année
Le futur service national universel concernera toutes les filles et tous les garçons aptes, de l’ensemble d’une même classe d’âge. Chaque année, ce seront donc entre 600.000 et 800.000 jeunes mobilisés (en fonction des exemptions accordées). Lors de sa campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait parlé d’un service national universel d’une durée d’un mois, à faire une fois la majorité acquise. Le rapport parlementaire qui sera examiné mercredi va dans un tout autre sens en proposant de le réaliser en plusieurs fois, de 11 à 25 ans, ce qui concernerait donc les jeunes dès la classe de 6e.
- Trois étapes, de 11 à 25 ans
Les rapporteurs de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur le service national universel, les députées Marianne Dubois (LR) et Emilie Guerel (LREM), proposent l’instauration d’un "parcours citoyen" en trois étapes, s’appuyant sur des dispositifs déjà existants et une forte dose de volontariat.
- La première étape, conçue comme un "socle de l’apprentissage à la citoyenneté", se ferait entre 11 et 16 ans : elle prendrait la forme d’une "semaine annuelle de la Défense et de la citoyenneté", à faire obligatoirement, et qui serait organisée au sein même des établissements scolaires. Elle se déroulerait au même moment dans tous les collèges ou lycées. Si les chefs d’établissements devraient avoir une certaine liberté dans l’organisation de cette étape, les thèmes abordés lors de cette semaine seront partout les mêmes : "Défense et sécurité, résilience, droits et devoirs, mémoire et engagement", indique Le Monde.
- La deuxième étape, considérée comme "un rite de passage" selon les co-rapporteurs, concernerait les jeunes âgés de 16 ans. Il s’agirait d’une semaine à faire en internat pendant les vacances scolaires avec le même programme pour tous ; ou sept jours en "immersion" au sein d’une association agréée, dans le but de "se faire rencontrer les jeunesses de France", dit le rapport. Un "passeport citoyen" serait remis à chaque adolescent à l’issue de cette étape au cours d’une cérémonie officielle. Les régions, qui seraient mises à contribution, ont d’ores et déjà proposé de mettre à disposition 220.000 places en internat dans les établissements pendant les vacances scolaires.
- La dernière étape s’adresserait aux 16-25 ans : il serait ici question d’inciter les jeunes à s’engager dans des cadres existants comme le service civique rémunéré, les préparations militaires ou bien encore l’engagement associatif. Et avec à la clé des aides financières pour le logement, les transports, ou encore l’université. Un compte personnel pourrait ainsi être crédité en heures en fonction des activités d’engagement choisies. Cette étape se baserait sur le volontariat, d’où les aides à la clé pour inciter les jeunes à s’engager.
- Encadré par l’armée, les associations et les écoles
Lors de sa campagne, Emmanuel Macron évoquait une "expérience directe de la vie militaire, de ses savoir-faire et de ses exigences". "Il ne s'agit pas de réinventer le service militaire" mais de donner "à la jeunesse de France des causes à défendre, des combats à mener dans les domaines social, environnemental, culturel", nuançait le chef de l'État fin janvier. L’idée d’un service national universel tourné vers les pratiques militaires et encadré uniquement par l’armée est exclue du rapport parlementaire, ce qui n'est pas pour déplaire aux militaires, très perplexes depuis le début sur ce "creuset" citoyen. "Ce n'est pas notre vocation, on ne peut pas être une armée de combat et un centre éducatif", tranchait auprès de Reuters une source militaire. En plus des armées et des réservistes, le service national universel, tel qu’il est présenté dans le rapport parlementaire, serait donc plutôt encadré par le milieu associatif et scolaire, au sein d’un "dispositif interministériel", précise France Inter.
- Pas d’obligation mais une forte incitation
Le porte-parole du gouvernement a tenu à faire taire le débat : le service national universel sera "obligatoire", a affirmé Benjamin Griveaux mardi sur Radio Classique et Paris Première. "Il sera universel, il concernera toute la classe d'âge et il sera obligatoire", a-t-il dit. Cette mise au point intervient alors que la ministre des Armées Florence Parly avait déclaré que le service national "n’aura probablement pas un caractère obligatoire, au sens où les gendarmes viendraient rechercher le réfractaire". "En indiquant 'pas obligatoire', la ministre a voulu dire 'pas punitif' : elle n'a pas remis en cause sa vocation universelle, c'est-à-dire ayant vocation à concerner tous les jeunes", a précisé son entourage.
Emmanuel Macron, lui, a souhaité mardi que le service national universel soit "obligatoire" et dure "autour du trimestre" voire de "3 à 6 mois".
Le caractère obligatoire du service national universel pourrait toutefois poser des problèmes juridiques, dès lors que cette obligation contrevient à la liberté d’aller et venir, garantie par la convention européenne des droits de l’Homme. "Il pourrait y avoir un recours devant la Cour européenne des droits de l'Homme", a prévenu lundi devant la presse le président de la commission de Défense de l’Assemblée nationale Jean-Jacques Bridey (LREM). Ainsi, le rapport parlementaire a opté pour la voie médiane en imposant les première et deuxième étapes aux mineurs, et en rendant la dernière étape plus incitative, avec des aides à la clé, pour convaincre les jeunes actifs qui pourraient être majeurs à cette période-là.
- Trois milliards d’euros par an ?
Le parcours en trois étapes a notamment été préconisé par les parlementaires pour des raisons budgétaires. En s’appuyant sur des dispositifs déjà existants, les coûts pour l’État en seront réduits. Les régions seraient par exemple mises à contribution pour accueillir les jeunes en internat, lors de la deuxième étape, en échange d’une indemnisation. Les auteurs d’un premier rapport commandé en septembre par le Premier ministre - jamais publié et considéré comme enterré aujourd’hui -, estimaient le coût du service national universel entre 2,4 et 3 milliards d’euros par an. Ce service "aura un coût mais je ne pense pas qu'il soit prohibitif", a déclaré le chef de l'État mardi soir. Il ne s'agit pas de recréer des casernements massifs".
L’Assemblée nationale va désormais étudier et présenter ce rapport parlementaire mercredi. Mais un autre groupe de travail mis en place par l’Élysée, qui communiquera ses conclusions d’ici fin avril, devrait avoir le dernier mot aux yeux d'Emmanuel Macron. La première phase d’expérimentation du service national universel commencera dans tous les cas dès le début de l’année 2019.