Les annonces lundi du ministre de l'Intérieur Christophe Castaner, dont l'abandon de la méthode d'interpellation dite de "l'étranglement", pour améliorer la déontologie des forces de l'ordre laissent les syndicats policiers "dubitatifs". "On est dubitatifs sur l'ensemble des déclarations du ministre et notamment sur la suppression de la technique d'étranglement", a déclaré le délégué national du syndicat des gardiens de la paix, Alliance, Frédéric Lagache.
"On en sera réduit au combat de rue"
"Dès lors qu'elle est faite dans un court instant, c'est la seule technique qui permette aux agents de maîtriser un individu dont le poids est supérieur", observe Frédéric Lagache. "Sinon, on en sera réduit au combat de rue ou à l'utilisation du taser", estime-t-il.
Yves Lefebvre, secrétaire général du syndicat Unité-SGP-Police, s'interroge également : "Si quelqu'un refuse de se faire interpeller et si on n'a plus la clé d'étranglement, qu'est-ce qu'on fait ?" "Le ministre aurait dû nous informer avant. Si jeudi [date de la réunion entre Christophe Castaner et les syndicats à Beauvau], on nous dit qu'on la remplace par une meilleure technique d'intervention, on sera preneur. Mais il faudra des mois, voire des années avant que tout le monde y soit formé", estime Yves Lefebvre.
"On se sert de nous comme une variable face à l'opinion publique"
"Il y a les annonces politiques et le réalité du terrain. On dirait que l'on vit dans un monde de bisounours où tout le monde est gentil sauf les policiers qui sont méchants", raille de son côté le secrétaire général de l'Unsa-Police, Philippe Capon.
Lors d'une conférence de presse destinée à répondre aux mises en cause récurrentes des forces de l'ordre pour racisme ou violences, Christophe Castaner a notamment annoncé l'abandon de "la méthode de la prise par le cou, dite de l'étranglement", à la suite de l'affaire Chouviat, un livreur mort à Paris, en janvier 2020, lors de son interpellation.
Plus largement, Yves Lefebvre aurait souhaité "que Christophe Castaner réaffirme que l'immense majorité des policiers ne sont pas racistes et sont républicains". "J'ai l'impression qu'on se sert de nous comme une variable face à l'opinion publique."
"Le policier a le droit à la présomption d'innocence"
"Toutes les annonces ne sont pas contestables, en particulier celles participant à la lutte contre le racisme, mais on a le sentiment d'être des victimes expiatoires. On sent une fébrilité du politique", remarque pour sa part Patrice Ribeiro, secrétaire général du syndicat Synergies-Officiers.
Frédéric Lagache s'inquiète en outre des propos du ministre sur les suspensions d'agents en cas de "suspicions de racisme" avérées. "Soit c'est avéré, soit c'est une suspicion. Mais en tout cas, le policier a le droit à la présomption d'innocence comme tout un chacun. Il faut attendre la fin de l'enquête avant de suspendre. On n'est pas des sous-citoyens".