Les produits phytopharmaceutiques pourront être utilisés deux heures avant le coucher du soleil, quelle que soit la température extérieure, selon un décret paru dimanche au Journal officiel et salué par les agriculteurs, mais dénoncé par les apiculteurs. Si le produit est autorisé par l'Anses (l'Agence nationale de sécurité sanitaire alimentaire) pour un usage en période de floraison, "le traitement doit, sauf cas particulier, être réalisé dans les deux heures qui précèdent le coucher de soleil et dans les trois heures qui suivent le coucher de soleil", selon l'arrêté du ministère de l'Agriculture, dont l'entrée en vigueur est fixée au 1er janvier 2022.
Lutter contre l'effondrement des populations d'insectes pollinisateurs
La période de floraison désigne la période allant de l'ouverture des premières fleurs à la chute des pétales des dernières fleurs, précise le texte. La publication intervient au lendemain de la présentation par le gouvernement des grandes lignes du plan pollinisateurs. Ce plan avait été promis en 2020, après que le gouvernement avait annoncé la réintroduction temporaire des insecticides néonicotinoïdes pour la culture de betteraves, des insecticides extrêmement nocifs pour les abeilles.
Le plan pollinisateurs vise à lutter contre l'effondrement des populations d'insectes pollinisateurs, notamment les abeilles, essentiels à la biodiversité comme aux productions agricoles, mais vulnérables aux pesticides. Le décret ne satisfait pas les apiculteurs, qui dénoncent la possibilité de traiter les cultures à des moments où les abeilles butinent.
"Ce n'est pas acceptable", déclare la président de l'Interapi
"Deux heures avant le coucher du soleil, sans autre critère, pour nous ce n'est pas acceptable", a déclaré à l'AFP Eric Lelong, président de l'Interprofession des apiculteurs (Interapi). L'organisation voulait que soit également pris en compte le critère de la température. Ainsi, en juillet, deux heures avant le coucher de soleil, "il fait 25 degrés" et "les abeilles sont encore en train de butiner".
A l'inverse, la plus grande organisation d'exploitants agricoles française, la FNSEA et les Jeunes agriculteurs, saluent, au nom de la lutte contre le travail de nuit des agriculteurs, "l'ouverture permettant de déroger à l'obligation de traiter les cultures attractives seulement après le coucher du soleil, avec l'ajout d'une plage de deux heures avant le coucher du soleil".
Une plage horaire modifiable en cas d'activité diurne des "bio-agresseurs"
Selon l'arrêté, cette plage horaire d'application des produits phytosanitaires (qui appartiennent à la famille des pesticides) peut être modifiée en cas d'activité "exclusivement diurne" des "bio-agresseurs" (organismes vivants qui s'en prennent aux cultures), pour assurer "une protection efficace de la culture traitée". Autre exception : si une maladie impose une utilisation urgente d'un "traitement fongicide", dans un délai "incompatible avec la période prévue" dans l'arrêté.
La FNSEA et les Jeunes agriculteurs dénoncent néanmoins une "surtransposition des règles communautaires" qui "met les agriculteurs français en situation de distorsion de concurrence pour la protection de leurs cultures", ainsi que "l'insuffisance des moyens financiers pour mettre en œuvre les objectifs ambitieux du plan Pollinisateurs".
Ce plan prévoit notamment d'évaluer le risque de tous les pesticides, dont les herbicides et fongicides, pour les pollinisateurs en vue d'une possible restriction, voire interdiction de traitement sur les cultures attractives en floraison, aujourd'hui applicable uniquement aux insecticides.