Le budget de la sécurité sociale entame son troisième jour d’examen à l’Assemblée nationale. On le sait depuis quelques jours maintenant : le gouvernement veut réduire l’absentéisme dans la fonction publique. Ce qu’on comprend petit à petit, c’est que cette idée pourrait bien atteindre les salariés du privé.
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Certains parlementaires poussent pour instaurer un, voire deux jours de carence d’ordre public dans les entreprises. Autrement dit, que les arrêts de travail ne puissent être indemnisés ni par la Sécurité sociale, ni par les employeurs. Le patronat s’est déjà dit favorable à la mesure, au moins pour une journée. Finalement, la grande chasse aux arrêts maladie lancée par le gouvernement dans la fonction publique il y a quelques jours pourrait coûter cher aux salariés du privé.
Une perte de salaire pour les salariés
En effet, aujourd’hui, 70% des salariés continuent à être payés pendant leurs jours de carence lorsqu’ils sont arrêtés, et ce grâce à des accords de branche ou d’entreprise. Instaurer des jours de carence d’ordre public aurait donc un impact immédiat sur le revenu des salariés. Isabelle Mercier, secrétaire nationale à la CFDT, dénonce un acharnement : "C’est quand même les salariés qui ont payé cher le prix des économies budgétaires que ce soit sur l’apprentissage, sur le remboursement des médicaments. A un moment donné les efforts doivent être partagés"
De son côté, le patronat s’est déjà montré favorable à ces réflexions. "Il faut évidemment mettre en place une mesure de ce type", appuie Michel Picon, président de l’U2P. La CPME, elle, soutient l’instauration de 2 jours de carence d’ordre public, avec pour objectif de réduire les arrêts de travail intempestifs et limiter le coût des mutuelles d’entreprise. "Ce qui est sûr, c’est qu’aujourd’hui, le seul système de que nous propose le gouvernement, c’est de faire payer les entreprises. C’est quand même inadmissible et incroyable !" s’agace Eric Chevée, vice-président en charge des affaires sociales à la CPME.
Le risque de favoriser l’absentéisme de longue durée
Sur le plan juridique, instaurer une telle mesure est faisable. "Il est possible d’imposer l’existence d’un délai de carence, sous réserve de modifier la loi, et que le délai de carence s’impose quelle que soit la convention", confirme Caroline André-Hesse, avocate associée au sein du cabinet Ayache.
Mais cette piste ne convainc pas tout le monde. Pour Laurent Cappelleti, professeur au Conservatoire National des Arts et Métiers, cette vision court-termiste risque d’avoir des conséquences bien plus coûteuses : "On va avoir des personnes qui vont venir travailler pour ne pas avoir à payer de leur poche. Ça s’appelle du présentéisme, et le présentéisme est un facteur de maximisation de l’absentéisme. C’est-à-dire que ces personnes finiront par être absentes mais beaucoup plus longtemps". Et le phénomène s’observe déjà puisque la durée moyenne des arrêts de travail a atteint 23 jours l’année dernière, en hausse de 15% par-rapport à 2022, selon le courtier en assurances WTW.