Adama Traoré : une expertise attribue le décès à un "coup de chaleur", "aggravé" par les manœuvres des gendarmes

Cet été, plusieurs manifestations ont demandé justice pour la mort d'Adama Traoré. 1:42
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Gwladys Laffitte, avec AFP , modifié à
Une nouvelle expertise judiciaire a conclu que la mort d'Adama Traoré, en juillet 2016, a été causée par un "coup de chaleur", "aggravé" par les manœuvres d'immobilisation et de menottage des gendarmes. Ce rapport était très attendu dans ce dossier devenu un symbole du débat sur les violences policières.  

La mort en juillet 2016 d'Adama Traoré a été causée par un "coup de chaleur", "aggravé" par les manœuvres d'immobilisation et de menottage des gendarmes et, dans une "plus faible mesure", par ses antécédents médicaux, conclut une nouvelle expertise judiciaire consultée lundi par l'AFP. 

Très attendu dans ce dossier devenu un symbole du débat sur les violences policières, ce rapport établi par quatre médecins belges, dévoilé par L'Obs, a été commandé en juillet par les juges d'instruction parisiens chargés de l'enquête après le dépôt par la famille du jeune homme de rapports médicaux contredisant les experts de la justice qui mettaient hors de cause les forces de l'ordre.

Une bataille d'expertise entre la justice et la famille 

Le 19 juillet 2016, Adama Traoré, 24 ans, était décédé dans la caserne de Persan, près de deux heures après son arrestation dans sa ville de Beaumont-sur-Oise, dans le Val-d'Oise, au terme d'une course-poursuite et après avoir échappé à une première interpellation un jour de canicule. Depuis lors, une bataille d'expertises oppose les médecins missionnés par la justice et ceux choisis par la famille. Celle-ci accuse les trois gendarmes d'avoir causé la mort d'Adama Traoré par une "asphyxie positionnelle", qu'ils auraient provoquée en ayant fait peser sur lui par un "plaquage ventral" leur corps lors de l'interpellation.

Pour les médecins belges, toutefois, "les éléments du dossier ne répondent pas aux critères médico-légaux reconnus d'une asphyxie positionnelle". "En revanche l'intervention dans le processus létal d'une période d'asphyxie 'par contrainte physique' ne peut être écartée", écrivent les experts, évoquant ainsi les gestes d'interpellation des gendarmes.

"Un coup de chaleur en situation d'activité physique brève mais intense" 

"Notre opinion est en définitive que Adama Traoré a très vraisemblablement développé un coup de chaleur en situation d'activité physique relativement brève mais intense dans des circonstances de stress adrénergique et de chaleur atmosphérique", concluent les médecins. "L'évolution péjorative" de cet état "a été inhabituellement rapide mais reste plausible en raison notamment de la contribution à une hypoxie (manque d'oxygène dans le sang, ndlr) de manœuvres momentanées de contrainte et dans une plus faible mesure d'états pathologiques sous-jacents".

Pour l'avocat de la famille Traoré, Me Yassine Bouzrou, cette expertise confirme la thèse défendue par ses clients : "Les médecins expliquent clairement qu’un coup de chaleur seul ne peut pas expliquer le décès mais par contre que le plaquage ventral, le fait que les gendarmes se soient mis sur monsieur Traoré qui était allongé sur le ventre, a contribué à provoquer le décès", affirme-t-il au micro d'Europe 1.

Une maladie génétique

Adama Traoré souffrait d'une maladie génétique, la drépanocytose, associée à une pathologie rare, la sarcoïdose. En 2018, un premier collège d'experts, aux conclusions balayées par les médecins de la famille, avait retenu ces maladies parmi les causes principales de l'asphyxie du jeune homme.

"Les gestes règlementaires opérés par les trois gendarmes l’ont été au regard de la rébellion d'Adama Traoré", ont réaffirmé lundi leurs avocats Mes Rodolphe Bosselut, Pascal Rouiller et Sandra Chirac Kollarik. "Ces trois agents étaient dans l'ignorance la plus complète des antécédents médicaux de cet homme et de ce qui pouvait s’être produit physiologiquement pour lui" avant leur arrivée sur les lieux, poursuit leur communiqué à l'AFP. L'avocat de la famille Traoré, joint par l'AFP, n'a pas souhaité réagir.