Affaire Barbarin : le classement sans suite de l'enquête "est un très mauvais signe"

© ROMAIN LAFABREGUE / AFP
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G.S. , modifié à
Une enquête pour "non-dénonciation" d'agressions sexuelles sur mineurs et "non-assistance à personne en danger" a été classée sans suite.
INTERVIEW

"C'est un très mauvais signe pour la lutte contre la pédophilie et la non dénonciation des crimes pédophiles. On peut être très triste", a réagi, lundi sur Europe 1, Alexandre Dussot, co-fondateur de la Parole libérée, un collectif de victimes de prêtres pédophiles, après la décision du parquet sur l’une des "affaires Barbarin". Le procureur de la République de Lyon a en effet annoncé lundi le classement "sans suite" de l’enquête  pour "non-dénonciation" d'agressions sexuelles sur mineurs et "non-assistance à personne en danger", concernant le père Bernard Peyrat, dans laquelle le cardinal Philippe Barbarin a été mis en cause.

Quelle a été la décision du parquet ? Le parquet a tenté de répondre à deux questions. La première : peut-on reprocher au cardinal Barbarin d'avoir omis de transmettre des informations sur le prêtre ? Réponse du parquet : non. Le cardinal Barbarin aurait, en effet, eu vent des soupçons pesant sur le prêtre entre entre 2005 et 2010. Or, les faits de pédophilie reprochés au père Preynat datent de 1991. Il n'y avait donc plus, en 2005, de "péril imminent pour les victimes", estime le parquet. En outre, le délai de prescription pour non-dénonciation est de trois ans. Il est donc, aujourd'hui, largement dépassé. 

Deuxième question à laquelle le parquet a tenté de répondre : le cardinal Barbarin a-t-il entravé la justice ? Les preuves en la matière ne sont "pas inexistantes", selon le parquet de Lyon contacté par Europe 1. Mais elle ne sont pas suffisamment établies pour ouvrir une enquête.

"Embêtant au niveau moral". Pour Alexandre Dussot, la décision du procureur est tout de même "louable". "Le procureur met la prescription en face de la non-dénonciation. Il avalise donc le fait que le cardinal Philippe Barbarin savait, mais qu’il y avait prescription". "Le cardinal avait connaissance des faits de pédophilie, de viols et d'agressions sexuelles sur enfants depuis au moins, manifestement, 2007, selon, je crois, ce qui est écrit dans le rapport du procureur. Et il n'a rien fait. Et c'est très embêtant au niveau moral", développe le co-fondateur de la parole libérée.

Entendu sur europe1 :
Le procureur met la prescription en face de la non-dénonciation

"Le pot de terre contre le pot de fer". Une condamnation aurait tout de même pu servir d’exemple. "Là, c'est en quelque sorte un cri pour dire : ‘si vous avez connaissance de faits de pédophilie dans votre entourage, ne faîtes rien et attendez la prescription de trois ans’". Le collectif entend poursuivre son combat. Mais il le sait, il ne part pas gagnant. "On va discuter avec notre avocat et surtout les victimes. Mais nous ne sommes pas naïfs. S'attaquer à l'un des plus hauts personnages de l'une des plus grandes institutions de France, c'est très compliqué. C'est le pot de terre contre le pot de fer. Le cardinal Barbarin a des soutiens, politiques et autres, sur Lyon et le reste de la France", avance Alexandre Dussot.

Toujours cette "peur du qu'en dira-t-on". Plus largement, ce dernier regrette que les langues peinent à se délier au sein de l’Eglise catholique. "Cela se fait toujours très discrètement et avec un peu de peur. Moi j'ai beaucoup de peine parce que ce sont des crimes atroces et il n'y a aucune révolte, aucune révolte visible en tout cas", déplore-t-il. "Il y a un peu un laisser-aller, un laisser-faire. Avec la peur du ‘qu'en dira-t-on’", assure celui qui fut également victime du père Preynat. "Les paroles se libèrent, la Conférence des évêques de France a fait de nombreux pas, on est en relation avec eux de manière assez proches. Quelque chose à changer", reconnaît-il. "Mais il faut que le combat continue et que les personnes autour de nous se révoltent, dans une révolte beaucoup plus large pour changer les choses", conclut-il.