La Cour de cassation, qui limitait jusqu'à présent l'indemnisation du préjudice d'anxiété à certaines catégories de travailleurs exposés à l'amiante, a décidé vendredi de permettre à tous d'y prétendre, sous certaines conditions.
L'assemblée plénière, la formation la plus solennelle de la haute juridiction, abandonne ainsi une jurisprudence que les syndicats et associations de victimes de l'amiante considéraient comme "injuste" et "discriminatoire".
Le "préjudice d'anxiété", consacré en 2010 par cette Cour, permet l'indemnisation de personnes qui ne sont pas malades mais qui s'inquiètent de pouvoir le devenir à tout moment. Jusqu'ici, la Cour de cassation restreignait ce mécanisme aux seuls salariés dont l'établissement est inscrit sur une liste ouvrant droit à la "préretraite amiante": travailleurs de la transformation de l'amiante ou de la construction et de la réparation navale.
Résistance à la jurisprudence. Le 29 mars 2018, la cour d'appel de Paris avait résisté à cette jurisprudence en accordant 10.000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice d'anxiété à 108 salariés exposés à l'amiante dans des centrales thermiques d'EDF, qui ne figurent pas sur ces listes "préretraite amiante". EDF s'était pourvu en cassation et, le 22 mars, la Cour avait réexaminé la question du préjudice d'anxiété à la lumière du cas d'un de ces anciens salariés d'EDF, qui demandait réparation pour avoir inhalé des fibres d'amiante entre 1973 et 1988.
Le travailleur devra justifier son exposition à l'amiante. Dans son arrêt rendu vendredi, la Cour de cassation reconnaît que "le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements" listés. Le travailleur souhaitant voir indemnisé son préjudice d'anxiété devra justifier de son exposition à l'amiante. En retour, l'employeur pourra s'exonérer s'il apporte la preuve qu'il a mis en oeuvre les mesures de sécurité et de protection de la santé prévues par le code du travail.
"Des travailleurs vont enfin faire valoir leurs droits". C'est une décision qui "répond à nos attentes", s'est félicité Alain Bobbio, de l'Association nationale des victimes de l'amiante (Andeva). Désormais, "la porte est vraiment ouverte pour les travailleurs" dont les établissements n'étaient pas inscrits sur la liste, s'est-il réjoui: "On va enfin avoir des dockers, des ouvriers du bâtiment qui pourront faire valoir leurs droits".