Une association guadeloupéenne a déposé un recours vendredi devant le tribunal administratif de Paris pour demander l'abrogation d'un arrêté fixant les limites autorisées de chlordécone, un insecticide cancérogène et perturbateur endocrinien longtemps utilisé aux Antilles, dans les produits alimentaires.
Ce recours a été présenté lors d'une conférence de presse de deux députés européens, Michèle Rivasi (EELV) et Younous Omarjee (LFI), au cours de laquelle ils ont réclamé "une commission d'enquête parlementaire" sur ce pesticide, "des mesures d'urgence" pour l'alimentation des femmes enceintes et des jeunes enfants aux Antilles, et un colloque sur le sujet à l'Assemblée à la rentrée.
227 cas de cancers de la prostate pour 100.000 en Martinique. Le chlordécone, interdit dès 1977 aux États-Unis, a été utilisé aux Antilles de 1972 à 1993 pour lutter contre le charançon du bananier. Il a été interdit en France en 1990, mais utilisé jusqu'en 1993 par dérogation aux Antilles. Il est depuis toujours présent dans les sols, où il peut rester jusqu'à 600 à 700 ans, et peut se retrouver notamment dans certaines denrées d'origine végétale ou animale ainsi que dans certains captages d'eau.
Le produit est soupçonné d'être responsable notamment d'une explosion des cancers de la prostate aux Antilles. Selon André Cicoletta, toxicologue et président du Réseau Environnement Santé, "les Antilles sont champions du monde des cancers de la prostate", avec 227 cas pour 100.000 en Martinique et 184 en Guadeloupe", soit des taux deux fois plus élevés qu'en métropole.
"Notre préoccupation, c'est la mise en sécurité de la population". L'association EnVie-Santé demande dans son recours que soit abrogé l'arrêté du 30 juin 2008 "relatif aux limites maximales de résidus (LMR) de chlordécone que ne doivent pas dépasser certaines denrées alimentaires d'origine végétale et animale pour être reconnues propres à la consommation humaine", a expliqué son président Philippe Verdol.
L'association estime notamment qu'il y a "inadéquation des seuils de valeurs toxicologiques de référence et de limites maximales de résidus", "violation du principe de précaution" et "rupture d'égalité entre les populations antillaises et la population métropolitaine", a-t-il ajouté. "Notre préoccupation, c'est la mise en sécurité de la population", affirme-t-il.
Pour Michèle Rivasi, cette affaire est un "crime d'État". Selon elle, l'État connaissait les risques de ce produit, mais a laissé faire, sous l'influence "des grosses familles béké des Antilles, qui avaient leurs entrées à l'Élysée et demandaient des dérogations" pour continuer à utiliser le produit dans les plantations de bananes.