Avec plus de 1.270% d'augmentation, les demandes de retrait de contenus à caractère terroriste et pédopornographique adressées par la police aux acteurs d'internet ont explosé en France en 2017, en raison du renforcement du nombre des enquêteurs.
Au total, 35.110 demandes de retrait (dont 93% concernant des contenus à caractère terroriste) ont été comptabilisées en 2017, contre seulement 2.561 en 2016, a indiqué mercredi Alexandre Linden, "personnalité qualifiée" désignée par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) pour contrôler les mesures de retrait, blocage ou déréférencement décidées par la police, lors de la présentation de son rapport annuel (mars 2017-février 2018).
Ces demandes de retrait sont formulées par l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC) du ministère de l'Intérieur, souvent sur la base d'alertes d'internautes enregistrées sur sa plateforme de signalisation Pharos.
La loi du 13 novembre 2014 relative à la lutte contre le terrorisme a institué ce contrôle via la Cnil pour éviter toute mesure abusive.
Alexandre Linden a justifié l'explosion du nombre des demandes de retrait par l'accroissement du nombre d'enquêteurs de l'OCLCTIC, passé de 2 à 6 personnes en septembre 2017, et leur capacité à traquer désormais les "sites miroirs" (copies) qui peuvent représenter plusieurs centaines de supports pour un même contenu.
Le nombre de sites bloqués n'a pas augmenté. Cette tendance ne s'est toutefois pas accompagnée d'une augmentation comparable du nombre des contenus effectivement retirés, 7.724 contre 2.305 en 2016, ni du nombre des sites bloqués, 763 (dont 83 en matière terroriste) contre 874 l'an passé.
Le rapport n'explique pas pourquoi les policiers ne procèdent pas systématiquement à des blocages quand les contenus litigieux ne sont pas retirés des sites.
Le rôle important de Twitter. En réalité, les acteurs d'internet restent, et de loin, les premiers artisans de la lutte contre la propagande terroriste, les gouvernements n'étant à l'origine que de 0,2% des suppressions de comptes. Twitter a annoncé avoir supprimé, entre août 2015 et décembre 2017, plus de 1,2 million de comptes pour apologie du terrorisme.
Pour sa part, en trois ans, Alexandre Linden a validé la plupart des demandes de retrait effectués par la police, seule une quinzaine de cas ayant posé problème. En 2017, le contrôleur a contesté pour la première fois devant le tribunal administratif le retrait par la police de quatre publications montrant l'incendie de voitures de police ou de gendarme, estimant qu'elles ne constituaient pas une provocation ou une apologie du terrorisme. Le parquet n'avait d'ailleurs pas retenu cette qualification.
Mais le juge a rejeté sa requête en référé estimant qu'il n'y avait pas urgence à agir et l'affaire n'a pas encore été jugée au fond.
La Cnil déplore le manque de moyens. Enfin, comme les années précédentes, le contrôleur a une nouvelle fois dénoncé l'absence de moyens alloués par les pouvoirs publiques à la CNIL. Actuellement, seuls quelques agents de la CNIL viennent l'assister sur la base du volontariat, en plus de leur travail, pour 2 équivalents plein temps.
Autre acteur : l'Europe s'est dotée en 2015 d'une nouvelle unité, l'Internet Referral Unit (IRU) pour signaler les contenus de nature terroriste aux entreprises du numérique, dans le cadre de la mission de prévention.
Dans ses recommandations, la Commission européenne a jugé en mars dernier qu'un contenu illicite à caractère terroriste devrait être supprimé "dans l'heure suivant son signalement". Un délai impossible à tenir pour les Etats sans une mobilisation proactive des acteurs du net.