Les professeurs doivent-ils se censurer en France ? Le mois dernier à Privas, en Ardèche, une sortie scolaire a dû être annulée par peur de représailles. La classe devait aller voir Persepolis, un dessin animé de Marjane Satrapi où un enfant raconte l'arrivée au pouvoir en Iran d'une République islamique. Mais quelques jours avant, un professeur à Arras, Dominique Bernard, a été assassiné par un ancien élève devenu terroriste. Une attaque qui a poussé le professeur ardéchois à faire marche arrière.
Inquiétude autour de la réaction des élèves
Officiellement, la sortie a été annulée pour un problème d'emploi du temps. Mais en réalité, le professeur a expliqué au directeur du cinéma local qu'en raison du contexte national très tendu, il ne se sentait pas d'emmener ses élèves voir le film. "Certains d'entre eux sont musulmans. Ils pourraient faire un mauvais retour à leur famille. Leurs questions ou leurs réactions pourraient m'embarrasser ou même, me mettre en danger", a-t-il expliqué. "Nous ne sommes pas à l'abri d'un fanatique" a conclu l'enseignant, qui s'est souvenu de l'enchaînement tragique des événements dans l'affaire Samuel Paty, et a préféré tout annuler.
Une décision sage, selon Georges Lafaye de Micheaux, qui dirige deux lycées catholiques à Privas. Si l'événement n'a pas eu lieu dans l'un de ces établissements, que les choses se sont passées, cela l'a beaucoup choqué.
"Ça pose un problème dans notre liberté d'expression"
"C'est bien triste d'être obligé de faire attention aux choses qu'on peut dire et comment on peut les dire parce que les éléments, sortis de leur contexte, peuvent être interprétés n'importe comment", juge-t-il au micro d'Europe 1. "Ça pose un problème dans notre liberté d'expression et notre liberté de penser. Mais je comprends tout à fait que l'enseignant ait fait machine arrière : on marche sur des œufs et on ne maîtrise pas les interprétations des uns et des autres. Il faut veiller aussi à ne pas provoquer et à être prudent", conclut-il avec inquiétude.
L'enseignant en question veut rester dans l'ombre. D'ailleurs, ni le rectorat ni la préfecture de l'Ardèche n'ont été informés de quoi que ce soit. Preuve des craintes qui règnent dans l'Éducation nationale sur ces questions-là.