Khamzat A., l'auteur de l'attaque au couteau samedi soir à Paris qui a fait un mort était connu des services de renseignement depuis juillet 2016. Inscrit au fichier des personnes radicalisées et "fiché S" en raison de sa proximité avec des membres de la mouvance islamiste radicale strasbourgeoise. Mais il ne faisait pas l'objet d'un suivi étroit, les policiers du renseignement n'avaient jamais décelé chez lui une particulière dangerosité. Au point d'avoir relâché l'attention l'an dernier quand il a déménagé de Strasbourg à Paris avec sa famille. Mais à quoi sert ce fichage ?
La "fiche S", un outil discret de renseignement. Une "fiche S", ce n'est pas une camisole de force. Au contraire, c'est un outil des services de renseignement, un outil discret et ceux qui font l'objet d'une telle fiche ne doivent surtout pas le savoir. Quand l'un d'entre eux passe à l'acte, comme samedi soir, c'est évidemment dramatique pour tout le monde. Mais paradoxalement, cela prouve aussi que la détection avait bien fonctionné, que les policiers du renseignement avaient senti que cette personne pouvait, à un moment, représenter un danger. La détection c'est une chose, le suivi c'en est une autre. Et c'est bien tout le problème actuellement comme le souligne Christophe Rouget, porte-parole du syndicat d'officiers de police SCSI.
Avec 25.000 fichés S, les policiers sont débordés. "Aujourd'hui, la fiche S fonctionne bien. La détection en France fonctionne très bien", assure-t-il. "Nous avons en revanche un problème de flux de personnes à surveiller. Jamais nous n'avons eu autant de personnes à surveiller dans nos radars. Donc aujourd'hui nous devons concentrer tous nos efforts pour judiciariser ces individus les plus dangereux. C'est-à-dire réunir les éléments qui permettent de les conduire devant les juges pour les faire condamner".
En clair, les policiers du renseignement sont débordés : 25.000 personnes sont fichées S, dont près de 10.000 pour leur radicalisation religieuse. Ce ne sont pas toutes des bombes en puissance, mais il est matériellement impossible de toutes les suivre efficacement.
Faute de moyens, il faut faire des choix. Suivre les plus dangereux, c'est déjà ce que font les policiers. En étant obligés de faire des choix, des arbitrages, faute de moyens. Se concentrer uniquement sur ceux-là reviendrait à abandonner ceux qui sont jugés les moins dangereux ou ceux qui sont en bas du spectre. Or, c'était le cas du terroriste de samedi. D'après les informations obtenues par Europe 1, cela faisait 16 mois que les services de renseignement n'avaient rien écrit, rien collecté sur lui. Mais auparavant, lorsqu'il était vraiment dans le collimateur, il n'y avait aucun signe inquiétant. Il a été en quelque sorte oublié et du coup, personne n'a vu venir son passage à l'acte.
La droite et l'extrême-droite relancent le débat sur les fiches S
Comme après les attaques de Trèbes et Carcassonne il y a deux mois, il n’a fallu que quelques heures à la droite et à l’extrême-droite pour accuser le gouvernement de ne pas en faire assez contre le terrorisme. Avec, dans leur viseur : ces fameuses fiches S. "À quoi peut bien servir cette fiche S si on ne s’en sert pas pour mettre ces bombes à retardement hors d’état de nuire ?", a twitté dimanche Marine Le Pen.
De son côté, Laurent Wauquiez s’est directement adressé au chef de l’État dans un communiqué : "il n'y a plus de place, Monsieur le Président, pour cet aveuglement et cette inaction qui n'ont que trop duré", écrit le patron de LR qui réclame à nouveau l’internement préventif des fichés S les plus dangereux. Une proposition repoussée par le gouvernement car "les fiches S servent à la surveillance". L’exécutif assure qu’avec la loi antiterroriste votée à l’automne des mesures existent en cas de menace avérée, même si évidemment "le risque zéro n’existe pas". "Droite et extrême droite font du vent", accuse un conseiller, "ça s’appelle du cynisme".