C’est une phrase de Jean-Michel Blanquer qui avait fait polémique. Fin août, le ministre de l’Éducation avait déclaré sur France Culture que les petites filles étaient moins nombreuses que les petits garçons à bénéficier d’une scolarité précoce, en raison "du fondamentalisme islamiste dans certains territoires". Un peu moins d’un mois plus tard, Jean-Michel Blanquer tient un point sur la laïcité à l’école, mardi.
Comme ses prédécesseurs depuis 30 ans, le ministre de l’Éducation se heurte à l’absence de chiffres officiels pour quantifier les atteintes à la laïcité scolaire, comme le port du voile. Le phénomène est même quasiment impossible à quantifier, selon une note publiée par le professeur d’université Ismail Ferhat, membre de l’Observatoire de l’Education de la Fondation Jean-Jaurès, et consultée par Europe 1.
Une difficulté qui dure depuis 30 ans
Ismail Ferhat, maître de conférences à l’université de Picardie Jules Verne, retrace les origines du phénomène, apparu en 1989 avec "l’affaire de Creil". Il y a 30 ans, le cas de trois élèves voilées dans un collège de Creil, dans l’Oise, avait provoqué une polémique nationale. Le sujet des atteintes à la laïcité scolaire a, depuis, régulièrement resurgi, avec comme point culminant l’interdiction des signes religieux ostensibles à l'école, comme le port du voile, en 2004. Sauf que, depuis trois décennies, aucune étude ni enquête n’a pu mesurer le phénomène, comme le relève le chercheur, qui a dirigé l’ouvrage collectif Les foulards de la discorde, retour sur l’affaire de Creil.
Ismail Ferhat rappelle qu’une "note de 1990 des Renseignements généraux estime à 400 le nombre d’élèves portant un foulard islamique dans le système public éducatif". Selon les derniers chiffres disponibles, qui datent d’octobre 2018, "un millier de cas ont été signalés, dont 400 relevant de l’action des équipes académiques laïcité". À 30 ans d’écart, les estimations sont donc étonnamment stables.
"Une Arlésienne statistique"
Pour tenter de chiffrer le phénomène, Jean-Michel Blanquer a notamment créé un formulaire de signalement en ligne à destination des équipes éducatives, ainsi qu’un conseil des sages et une équipe nationale laïcité et faits religieux. Malgré tout, les remontées depuis le terrain restent difficiles. Comme l’écrit Ismail Ferhat, "la frontière est ténue entre problèmes de laïcité scolaire et ceux de violences scolaires".
"Ainsi, comment qualifier ou répertorier un fait d’agressivité vis-à-vis d’une enseignante d’une discipline sensible (histoire-géographie, sciences et vie de la terre…) sur un point de programme contesté pour raisons religieuses ? Problème de vie scolaire ? De violences (éventuellement sexistes) ? De laïcité ? Les trois ? La classification paraît difficile", estime le maître de conférences. Qui conclut : "une quantification consensuelle des atteintes à la laïcité scolaire ressemble beaucoup à une Arlésienne statistique".