Près de huit ans après les attentats djihadistes contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher, l'accusation a requis mardi la perpétuité et 20 ans de réclusion à l'encontre des deux accusés rejugés en appel à Paris pour leur rôle présumé dans ces attaques. Le ministère public a demandé la plus lourde peine, la réclusion criminelle à perpétuité avec une période de sûreté de 22 ans, à l'égard d'Ali Riza Polat, accusé de complicité des crimes commis en janvier 2015 par Amedy Coulibaly et les frères Saïd et Chérif Kouachi.
Ali Riza Polat "bras droit" d'Amedy Coulibaly
Ali Riza Polat, condamné en première instance en décembre 2020 à 30 ans de réclusion criminelle, était "au cœur des préparatifs de ces tueries monstrueuses", a estimé l'avocate générale Manon Brignol, qui a souligné la "dangerosité extrême" du Franco-Turc de 37 ans. "Je vous demande de nous protéger", a-t-elle lancé à la cour d'assises spéciale, en sollicitant la peine maximale contre Ali Riza Polat, déjà réclamée par l'accusation lors du premier procès.
Ali Riza Polat était le "bras droit" d'Amedy Coulibaly, auprès duquel il était "omniprésent" et "jusqu'à la dernière heure", et a "apporté une aide déterminante aux terroristes" à la fois matérielle et dans la recherche et la fourniture d'armes, a appuyé Manon Brignol. Dans la première partie d'un réquisitoire à deux voix, sa collègue du parquet général Delphine Thibierge a requis en fin de matinée à l'encontre du second accusé, Amar Ramdani, une peine de vingt ans de réclusion criminelle, assortie d'une période de sûreté des deux tiers.
Amar Ramdani aurait fourni les armes, selon l'accusation
Pour l'accusation, malgré ses dénégations, Amar Ramdani, un autre proche de Coulibaly, a bien fourni les armes qui ont "servi à tuer" cinq des 17 victimes des attentats.
Pendant trois jours de terreur, du 7 au 9 janvier 2015, les frères Kouachi et Amedy Coulibaly avaient ciblé la liberté d'expression, les forces de l'ordre et la communauté juive, lors d'attaques "coordonnées" bien que revendiquées par deux organisations distinctes, Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa) et l'Etat islamique (EI). Leur périple meurtrier avait pris fin avec leur mort lors d'un double assaut policier.
La provenance des armes pas encore établie
L'enquête titanesque et les débats, en première comme en deuxième instance, n'ont pas permis de lever toutes les zones d'ombre entourant le circuit des armes s'étant retrouvées en possession des trois jihadistes. La provenance des fusils d'assaut utilisés par les Kouachi pour commettre leur massacre dans les locaux de l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo et exécuter dans leur fuite le policier Ahmed Merabet n'a pu être établie.
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L'ADN d'Amedy Coulibaly avait été découvert sur l'une des kalachnikovs des Kouachi, ce qui "laisse penser" pour l'accusation que le futur tueur de l'Hyper Cacher aurait pu les leur fournir. Les armes de Coulibaly proviennent, elles, de trafiquants lillois, condamnés dans une procédure distincte. Selon le ministère public, Amedy Coulibaly a "actionné" deux filières d'approvisionnement distinctes, l'une lilloise, par l'intermédiaire notamment d'Amar Ramdani, l'autre belge, avec l'aide "très active" d'Ali Riza Polat.
Ramdani rejugé pour association de malfaiteurs terroriste criminelle
En l'absence d'aveux et de traces ADN reliant les deux hommes aux pistolets et fusils d'assaut, les accusations se fondent essentiellement sur des déplacements des deux accusés dans le nord de la France ou dans la région de Charleroi, révélés par l'examen de leur téléphonie. À l'issue du premier procès, qui s'était soldé par les condamnations des onze accusés présents à des peines allant de quatre ans d'emprisonnement à trente ans de réclusion, seuls Ali Riza Polat et Amar Ramdani, les plus lourdement condamnés, avaient fait appel.
Amar Ramdani est lui rejugé à 41 ans pour association de malfaiteurs terroriste criminelle. Lors des débats, souvent vifs, il a répété n'avoir "rien à voir avec les armes, rien à voir avec l'islam, rien à voir avec le terrorisme", avançant une simple "relation amicale" avec Amedy Coulibaly, un ancien "pote de prison" avec lequel il "rigolait bien".
Pendant toute la durée du réquisitoire, comme il l'a souvent fait pendant le procès, l'accusé a gardé la tête baissée dans son box, donnant l'impression pour le ministère public qu'il voulait "faire oublier qu'il a apporté un soutien majeur" à Amedy Coulibaly. La défense aura la parole mercredi. Le verdict est attendu jeudi soir.