Un premier obstacle sur le chemin de la loi de moralisation de la vie publique, si chère à François Bayrou ? Alors que le garde des Sceaux doit présenter son projet de texte devant le conseil des ministres, mercredi, Le Monde révèle que le Conseil d'État pourrait bien le pousser à revoir sa copie. Selon le quotidien, c'est l'idée de création d'une "banque de la démocratie", l'une des mesures phares proposées par le ministre de la Justice, qui coince.
- De quoi s'agit-il ?
Jugeant que les partis se trouvent parfois contraints à "des démarches humiliantes à l'égard de banques privées", François Bayrou a formulé cette proposition pour permettre aux formations politiques de financer plus facilement leurs campagnes électorales, citant l'exemple des difficultés rencontrées par le Front national en la matière. Lors de la présentation de son projet de loi, avant le premier tour des élections législatives, le garde des Sceaux a évoqué la création d'une banque adossée à la Caisse des dépôts, qui pourrait accorder des prêts plus ou moins encadrés en fonction de la taille du parti, et donc du risque de non-remboursement. Pour les petites formations, le ministre de la Justice a évoqué une garantie du risque par les particuliers, permettant à un parti soutenu par 20.000 personnes à hauteur de 100 euros d'emprunter 2.000.000 d'euros.
- Le dispositif est-il finalisé ?
Non. Selon Le Monde, la banque de la démocratie n'est pas présente en tant que telle dans le projet de loi présenté mercredi, le gouvernement souhaitant encore l'affiner. Le texte comprend en revanche "un article autorisant le gouvernement à légiférer par ordonnance sur ce sujet". C'est cet article qui a été examiné et retoqué par le Conseil d'État, dont l'avis n'est pas contraignant.
- Pourquoi ça coince ?
Pour les hauts fonctionnaires du Palais Royal, la volonté d'agir par ordonnance montre "la très grande indétermination" de l'exécutif, qui "demande au Parlement une habilitation à légiférer avant même d'avoir fait procéder à une étude préalable de faisabilité". Une étude d'impact a bien été communiquée au Conseil d'État, mais celle-ci lui semble "beaucoup trop sommaire". L'institution émet également une réserve sur le fond, se demandant en quoi la banque de la démocratie "serait nécessaire afin de garantir la transparence de la vie politique, alors que le présent projet de loi crée déjà directement, aux mêmes fins, un médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques." Dans son avis, le Conseil propose donc au gouvernement de renoncer purement et simplement à la création de sa banque, la remplaçant par un appel d'offres auprès d'établissements de crédit existants, qui pourraient être chargés de mettre en place des prêts spécifiques pour les partis.
- François Bayrou est-il prêt à y renoncer ?
Non. Mercredi, le ministre de la Justice a annoncé sa volonté de maintenir le volet du projet de loi sur lequel le Conseil d'État a rendu un avis défavorable, le jugeant "vital". "Pour la rénovation de la démocratie que nous allons porter, rien n'est plus important que de garantir l'équité, l'égalité devant le crédit. Parce que ce n'est pas normal que ce soit des banques privées qui décident de la vie ou de la mort de mouvements politiques ou de la possibilité de faire campagne", a-t-il estimé. "Je le maintiens et je le défendrai."
Deux autres mesures ciblées par le Conseil d'État
Outre la banque de la démocratie, deux autres mesures du projet de loi ont été retoquées par le Conseil car jugées inconstitutionnelles, toujours selon Le Monde. Il s'agit d'abord de la séparation au sein des partis des fonctions d'ordonnateur des dépenses et de payeur, également chère à François Bayrou, mais qui contrevient à l'article 4 de la Constitution, qui garantit la liberté d'organisation des mouvements politiques. Une autre proposition, selon laquelle la Cour des Comptes pourrait être chargée de certifier les comptes des partis, serait, elle, contraire à la liberté d'entreprendre.