Laurent Mauduit a été, comme beaucoup, surpris par l’annonce, mardi matin, de la relaxe de Bernard Tapie, du PDG d’Orange Stéphane Richard et de quatre autres accusés, jugés dans l'affaire de l'arbitrage controversé qui avait octroyé 403 millions d'euros à l'homme d'affaires en 2008.
"C’est stupéfiant", lâche sur Europe 1 le cofondateur de Mediapart, qui a publié deux livres sur l’affaire. "Pour une fois, je suis d’accord avec les avocats de Bernard Tapie : tout cela est absolument incohérent", insiste l’auteur de Sous le Tapie (2008) et Tapie, le scandale d’Etat (2013).
Pour le journaliste, cette décision du tribunal correctionnel de Paris entraîne des incohérences. D’abord parce que la fraude a été reconnue dans la procédure au civil qui avait annulé l’arbitrage en 2015. "A l’époque, on annule l’arbitrage sur la base de documents puisés dans l’instruction pénale qui aboutit aujourd’hui", rappelle Laurent Mauduit. "Donc comment est-ce que les mêmes pièces d’instruction sont interprétées différemment par les magistrats au civil et par les magistrats de l’instruction pénale ?", s’interroge-t-il.
"La justice a renoncé à chercher la vérité"
Première incohérence, mais Laurent Mauduit en pointe d’autres. "Comment concevoir que Tapie soit relaxé et que dans le même temps, dans une autre procédure pénale, devant la Cour de justice de la République - un autre juridiction mais les mêmes faits -, Christine Lagarde soit, elle, condamnée ?", questionne-t-il encore. "Comment, alors que les mêmes griefs reposaient sur Stéphane Richard et sur elle, l’une est condamnée, même si c’est de manière modique, et l’autre est absout. C’est totalement incohérent", soupire le journaliste.
Mais pour le co-fondateur de Mediapart, c’est surtout la frustration qui domine. "On sait qu’à l’origine de l’affaire, il y a un lien entre Nicolas Sarkozy et Bernard Tapie. C’est la raison pour laquelle la justice ordinaire est interrompue et suspendue en 2007. Et on va à un arbitrage qui n’était pas nécessaire. L’Etat était en train de gagner. La justice a renoncé à chercher la vérité", rappelle Laurent Mauduit. "De cette affaire ne sort pas une vérité judiciaire. On ne sait pas ce qui s’est conclu, quel était le pacte entre Bernard Tapie et Nicolas Sarkozy", regrette-t-il.