«Cela a gâché ma dernière année de carrière» : l’ancien proviseur de Maurice Ravel témoigne pour la première fois à la radio
À l’occasion de la Journée de la laïcité à l’école, Philippe Le Guillou, l’ex-proviseur du lycée Maurice Ravel à Paris, qui avait pris sa retraite anticipée en mars dernier après avoir été menacé de mort pour avoir demandé à une élève d'ôter son voile, prend la parole. Il s’est déjà exprimé dans la presse, mais c’est la première fois qu’il se confie à la radio, au micro d’Europe 1.
Depuis le 28 février, l’ancien chef d’établissement reste marqué par l’altercation qu’il a eu avec une élève voilée de son lycée. Menacé de mort sur les réseaux sociaux, l’ex-proviseur a ensuite quitté précipitamment ses fonctions. Il court désormais les tribunaux pour faire condamner les internautes.
Lors des différentes audiences auxquelles il a assisté, il s’est plusieurs fois exprimé au nom de tous ses collègues, pour appeler au respect de la laïcité à l’école. Europe 1 l’a rencontré dans le cabinet de son avocat, Francis Lec, à Amiens.
"Le Guillou, on va te couper la tête" ont menacé certains élèves du lycée
Philippe Le Guillou sourit timidement en caressant sa chienne. Il semble apaisé, mais ses traits sont marqués. Il ne s’attendait pas à un tel déferlement de haine contre lui, depuis ce fameux mercredi de février.
"Je me retrouve avec quatre jeunes filles voilées dans la cour du lycée", se souvient-il. "J'interviens, je leur demande de retirer le voile, mais la quatrième ne l'a pas fait", regrette-t-il.
"Cela a déclenché des propos menaçants de la part de quelques élèves, pour la soutenir… C'était 'Le Guillou, on va te couper la tête', c'était vraiment blessant d’être visé par ses propres élèves", poursuit l’ancien proviseur. "Puis, bien sûr, j’ai reçu les menaces de mort de trois individus sur les réseaux sociaux".
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"Je faisais attention tout le temps"
Il démissionne contre son gré, puis c’est la peur qui le gagne : "Je ne prenais plus le métro, je ne sortais pas dans le quartier, je faisais attention tout le temps comme si un individu quelconque allait m'agresser".
"Je ne vous cache pas que mes amis, ma famille, étaient extrêmement inquiets", ajoute-t-il. "Cela a gâché ma trentième et dernière année de carrière." Depuis ce traumatisme, il désire faire entendre sa voix pour défendre la laïcité. "Cette loi, c'est une liberté ! Car elle protège les élèves, chacun est libre de pratiquer, ou non, sa religion", explique l’ancien proviseur.
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Un message fort doit être envoyé aux profs à travers les décisions de justice
"Si j'interviens, c'est aussi pour dire aux collègues, surtout ne lâchez rien, car il faut absolument faire respecter la laïcité dans les établissements scolaires", insiste-t-il. "À partir du moment où l'adulte est dans son bon droit, il faut qu'il soit soutenu. Et ça, je ne suis pas sûr que notre institution l'ait toujours fait", conclut-il.
Il regrette aussi le manque de soutien de la justice, car selon son avocat et lui, des peines trop légères ont été prononcées contre certains internautes qui l’ont menacé - 600 euros d’amende et un stage de citoyenneté pour l’un des auteurs condamnés en première instance à Paris.
"Si les chefs d'établissement reculent, alors la loi n'est plus respectée !", déplore Maître Francis Lec. "C’est donc un message très fort qu'il faut envoyer à tous les enseignants, à travers des décisions de justice sévères, pour que l’école soit effectivement protégée". L’avocat et l’ancien proviseur ont fait appel de plusieurs jugements.