palais justice paris victimes 1:24
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Gwladys Laffitte, édité par Gauthier Delomez , modifié à
Au 19e jour du procès des attentats du 13-Novembre, la Cour d’assises spéciale entend les survivants du Bataclan. Ces témoignages des parties civiles doivent durer quatre semaines. Tous racontent ce qu'ils ont vu et comment ils s'en sont sortis.

Les témoignages sont glaçants. Au procès des attentats du 13-Novembre, la cour d'assises spéciale a commencé à entendre les survivants du Bataclan mercredi, après ceux des attaques du Stade de France et des terrasses parisiennes ces derniers jours. Les rescapés tentent de raconter l'enfer de cette soirée du 13 novembre 2015 dans la salle de spectacle, où des terroristes sont entrés pendant le concert des Eagles of Death Metal. Europe 1 suit les débats au palais de justice de Paris. Ce mercredi, plusieurs survivants se sont présentés à la barre.

"On était piégés comme des cons"

Clarisse, une jeune étudiante de 24 ans, raconte qu'elle se préparait à vivre un beau vendredi soir, avec deux amis. L'étudiante aime observer les visages, et ce soir-là dans la salle, "tout le monde était heureux", se souvient-elle en souriant. "Fauchée" comme elle le dit, l'étudiante veut ressortir du Bataclan pour acheter des canettes de bières. Alors dans le vestiaire, elle entend, à 21h47, "un son assourdissant qui déchire le silence de la rue". Elle regarde le videur : "Je ne vois pas ce qu’il voit mais je comprends : la mort elle est là, et il la voit."

Trois terroristes s'engouffrent dans le Bataclan, tirent en rafales sur le public. Clarisse fait demi-tour "en pilote automatique, je cours vers la fosse je pousse des gens, je renverse des bières", explique-t-elle avant d'atterrir à droite de la scène où elle était "une cible facile", selon ses mots. Elle défonce une porte, pénètre dans des escaliers, entre dans une loge vide. "On est piégés comme des cons", se dit-elle. "Quelle mort de merde !", s'exclame Clarisse qui réussit à faire rire la salle d'audience.

"Investie d'une mission", la jeune étudiante casse "comme une furie" le faux plafond à coups de poings et se cache pendant de longues heures, avec d'autres personnes. Le président de la séance lui reconnaît : "Vous avez conscience que vous avez aidé beaucoup de personnes à s’en sortir". Ce à quoi Clarisse conclu, modeste et digne : "C'était hors de question que je meure ce soir."

Jean-Marc, survivant en colère contre les assaillants et lui-même

Irmine, une autre rescapée à prendre la parole, se remémore également l'arrivée des terroristes dans la salle de concert. Dans la coursive à droite de l'entrée, elle entend une voix "juvénile, aigue" crier "la France n'a rien à faire en Syrie". Irmine tombe au sol, les assaillants rechargent leurs armes, un homme hurle de s'enfuir. La survivante s'échappe sans arriver à porter le corps de son ami qui a reçu une balle dans la tête.

Lorsque le rythme des coups de feu ralentit, Jean-Marc, autre rescapé, raconte qu'il est lui face au sol à l'entrée de la fosse. Il voit le pied d'un assaillant : "Les douilles tombent sur ma tête. Une personne est prise pour cible parce que son portable sonne", souligne-t-il la voix basse et la gorge nouée. Jean-Marc a fait le mort jusqu'à l'arrivée de la police. Aujourd’hui, le rescapé est en colère contre les assaillants, contre son pays, et aussi contre lui-même pour avoir survécu.