"C'est un métier lourd. Il y a cette pression éternelle", commentait lundi matin sur Europe 1 le chef étoilé Marc Veyrat, réagissant à la mort de Benoît Violier, qui se serait suicidé, selon la police. Avec la parution du guide Michelin français 2016 et la mort du chef franco-suisse, le métier de chef étoilé est sous les projecteurs lundi. Ces deux actualités n'ont a priori rien à voir : Benoît Violier cuisinait en Suisse et n'avait rien à attendre de cette édition française du Michelin. Les trois étoiles de son restaurant lui avaient même été confirmées en novembre dernier lors de la parution du Guide Michelin local. Il avait également été auréolé de la prestigieuse première place de "La Liste", un classement de 1.000 "restaurants d'exception" dans le monde, réalisé sous l'impulsion du Quai d'Orsay. Mais ces deux actualités mettent tout de même en lumière la tension permanente qui habite ce métier.
"Cette pression peut être dangereuse". "Sa mort me rappelle tellement de mauvais souvenirs : le décès de Bernard Loiseau (chef français triplement étoilé, qui s'est suicidé il y a 13 ans)", confie ainsi Marc Veyrat. "On fait l'un des rares métiers qui régulièrement attend, attend ses notes, avec la parution des guides, qui nous font une certaine part du chiffre d'affaires. Il y a combien de profession comme la nôtre ? Très peu. On a besoin de cette pression mais cette pression peut être dangereuse", reconnaît le chef étoilé.
Et cette pression s'accentue avec internet. Sites, blogs, réseaux sociaux… Aujourd'hui, tout le monde peut s'improviser critique gastronomique et toucher un large public. "Tout le monde prend des notes, des photos. Les variations se sont amplifiées. Ce n'est plus un métier de passion, mais de rendement. Tout cela peut fragiliser l'ego d'un chef, qui a besoin de travailler sa personnalité et son image en permanence", analyse pour Europe 1 le critique François Simon. "C'est un métier où l'on est soumis au regard du public et de ses pairs. Il y a de la concurrence, de la jalousie, on est constamment sous pression. Et lorsque l'on obtient une distinction telle qu'une étoile Michelin, c'est un moment de folie, un immense bonheur. Quant à la perte d'une étoile… J'ai déjà entendu un chef dire que la douleur était comparable à celle de la perte d'un parent", poursuit François Simon.
"Il faut relativiser tout ça". Cette pression n'est d'ailleurs pas uniquement liée aux critiques et aux guides. Un chef étoilé travaille toute la journée, surveille toutes ses équipes, va faire le marché, s'occupe parfois des finances de son restaurant. "Il travaille 14h par jour. C'est harassant, épuisant. Et on ne le voit pas forcément lorsque l'on est devant sa mousse au chocolat ou son filet de poisson", renchérit le critique gastronomique. Interrogé sur cette "pression" par l'AFP, Jean-François Piège, dont le Grand Restaurant a été sacré deux étoiles lundi, entend toutefois apporter un peu de nuances : "Il faut relativiser tout cela. Chacun se met la pression qu'il souhaite se mettre. Comme les cuisines sont singulières, les personnalités sont singulières, chacun réagit à son rythme".
Pour l'heure, un parfait mystère entoure encore la mort de Benoît Violier. Son Restaurant de l'Hôtel de Ville, à Crissier, en Suisse, était reconnu comme l'un des meilleurs et des plus rentables du monde. Le critique Nicolas de Rabaudy l'a vu il y a seulement trois jours. "Il était rayonnant, charmant, fier d'être classé parmi les meilleurs restaurant du monde", raconte-t-il sur Europe 1, et de conclure : "jamais on aurait pensé que deux jours plus tard, il se suiciderait".