Des centaines de tracteurs paralysent lundi le centre de Bruxelles, en marge d'une réunion des ministres de l'Agriculture des Vingt-Sept ouvrant la voie à des simplifications de la Politique agricole commune (PAC). Comme le 1er février, la capitale belge redevient l'épicentre de la colère agricole : quelque 900 véhicules agricoles ont été dénombrés par la police.
Cette dernière a utilisé des canons à eau pour éteindre les brasiers allumés par les manifestants, donnant lieu à des confrontations parfois tendues. Aux côtés des organisations belges, des délégations d'Espagne, du Portugal et de la puissante confédération italienne Coldiretti sont présentes aux abords d'un Conseil bloqué par des barrages policiers.
Soucieux de désamorcer le mécontentement, les Etats membres avaient exigé de la Commission européenne un plan de "simplification" des règles de la PAC. Bruxelles présente lundi ses premières pistes. Après une dérogation déjà entérinée sur les jachères, les obligations de maintien des prairies permanentes devraient ainsi être assouplies cette année pour les éleveurs en reconversion. Plusieurs Etats demandent aussi des flexibilités sur les obligations de rotation des cultures.
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Une tolérance serait accordée aux agriculteurs ne respectant pas les exigences de la PAC en raison d'épisodes climatiques. Enfin, les exigences de déclaration seraient allégées et un recours à l'imagerie satellitaire contribuerait à réduire "de jusqu'à 50%" les visites de contrôle. Mais au-delà de ces mesures de court-terme, que l'exécutif européen pourrait entériner rapidement, Bruxelles ouvre la porte à des révisions législatives "à moyen terme" de la PAC, en négociation avec les Etats et eurodéputés, pour modifier certains critères et "réduire la charge".
Dans l'immédiat, "il faut quelque chose de pragmatique, d'opérationnel (...) il y a l'espace (pour des modifications) à l'intérieur des règles actuelles", a estimé le ministre français Marc Fesneau à son arrivée à Bruxelles. "Mais il y a des choses qui nécessitent de modifier l'acte de base (de la législation PAC). Que cette modification législative enjambe les élections européennes (de juin) n'a pas d'importance. L'important c'est qu'on avance (...) On a besoin de fixer une trajectoire, de poser les jalons d'une PAC qui rassure" à long terme, a-t-il insisté.
Parallèlement, Paris appelle à rouvrir - par voie d'amendements au Parlement européen- une législation encadrant les émissions des élevages de volailles et porcins, après un accord trouvé en décembre entre Etats et eurodéputés.
"Monstre bureaucratique"
"Il y a beaucoup de colère face aux promesses non tenues: c'est l'occasion de réformes nécessaires, la PAC actuelle est un monstre bureaucratique. Le travail dans les champs plutôt que la paperasse doit être à l'ordre du jour", a déclaré le ministre allemand Cem Özdemir. Mais sans "fausses solutions": "Il faut assurer qu'on peut gagner de l'argent avec la biodiversité (...) Celui qui dit que nous devons faire une pause dans la protection du climat est tout sauf un ami des agriculteurs", prévient-il, alors que plane le spectre d'un détricotage des obligations écologiques.
En marge du salon de l'Agriculture à Paris, le commissaire à l'Agriculture Janusz Wojciechowski s'était dit dimanche ouvert à rendre simplement "incitatives" des obligations vertes comme les jachères ou la rotation des cultures. Une révision de la politique agricole "est une bonne chose" afin de "mieux rémunérer" les agriculteurs, abonde son homologue belge David Clarinval, dont le pays assure la présidence tournante de l'UE, tout en rappelant que la Commission proposera aussi "en mars" des mesures hors PAC, éventuellement sur "la formation des prix" du marché.
"Il y a aussi des éléments (des législations environnementales) du 'Green Deal' (Pacte vert NDLR) qui sont demandés aux agriculteurs mais qui ne sont pas rémunérés, c'est le coeur du problème", a ajouté David Clarinval.
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Pour autant, les organisations manifestant lundi jugent insuffisantes les mesures esquissées. Elles exigent notamment l'"arrêt définitif" des négociations commerciales avec les pays sud-américains du Mercosur, et un "meilleur partage de la valeur" avec industriels et distributeurs.
"Un chantier plus vaste que le petit soulagement sur les charges administratives", reconnaît Vincent Delobel, éleveur de chèvres et administrateur du syndicat wallon Fugea, dénonçant "l'étau économique" entre l'inflation des coûts (engrais, énergie) et la chute des prix de vente. "On n'arrive pas à en vivre, les primes PAC sont en perfusion".
Autre motif de colère: Bruxelles a proposé des mesures de restriction des importations ukrainiennes, désormais discutées au Parlement européen, mais sans satisfaire le secteur agricole. Le sujet reste explosif en Pologne, où des agriculteurs bloquent des passages frontaliers et déversent sur les routes des cargaisons ukrainiennes.