A travers l’affaire de la "Ligue du Lol", c’est la question plus générale du cyberharcèlement qui est désormais posée. Pendant plusieurs années, un groupe d’une trentaine de personnes, majoritairement des hommes de moins de trente ans naviguant notamment dans la sphère journalistique, ont pu faire subir, par leurs agissements ou par effet d’entraînement, du harcèlement en ligne à de nombreuses victimes, sans être jamais inquiétés. Si désormais des sanctions frappent certains de ses membres, elles sont uniquement professionnelles. Aucune plainte n’a en effet pour l’heure été déposée. Un fait qui tient aux limites de la loi en la matière.
Que dit la loi en matière de harcèlement en ligne ? Il faut d’abord étudier ce que dit la loi en matière de harcèlement. Dans l’article 222-33-2-2 du Code pénal, il est ainsi défini : "le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale". Précisons que l’intention du ou des auteurs(s) n’est pas nécessaire pour caractériser le harcèlement. Ce sont les dommages subis par la victime qui sont pris en compte.
Cette définition originelle avait le défaut d’exclure du champ législatif le cyberharcèlement. Ecueil réparé dans la loi numéro 2014-873 du 4 août 2014, pour "l’égalité réelle entre les femmes et les hommes". Il y est mentionné que l’infraction de harcèlement est caractérisée "lorsqu’ils ont été commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne". Comprendre internet et les réseaux sociaux.
La dernière modification de l’article originel du Code pénal date de la loi du 3 août 2018, qui édicte que le harcèlement est caractérisé si "lorsque (d)es propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée". En clair, il suffit d’un message pour tomber sous le coup de la loi, s’il a été envoyé parmi beaucoup d’autres.
Quelles sont les sanctions prévues ? Le harcèlement est puni d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende. Ces sanctions peuvent être portées à 30.000 euros d’amende et de deux ans de prison en cas de circonstances aggravantes, à savoir si les faits ont entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours, s’ils ont concerné un mineur de quinze ans, s’ils ont été commis sur une personne vulnérable ou, enfin, si le harcèlement a eu lieu en ligne. Enfin, la peine peut être portée à trois ans d’emprisonnement et à 45.000 euros d’amende si deux des circonstances aggravantes sont cumulées.
Quel est le délai de prescription ? Comme pour tous les délits, le délai de prescription est de six ans. Au-delà de cette durée, les faits incriminés ne peuvent donc plus être poursuivis. Marlène Schiappa s’est prononcée dimanche pour l’allongement du délai de prescription en matière de cyber harcèlement. Mais en tout état de cause, cet allongement ne sera pas rétroactif. En l’occurrence, les faits de harcèlement de la Ligue du Lol susceptibles d’être poursuivis doivent donc être postérieurs à 2013.
Oui. Rien n’empêche d’étudier l’allongement des délais de prescription, on vient de l’allonger de 10 ans pour les viols sur mineurs. Je vais aborder le sujet avec @NBelloubet
— MarleneSchiappa (@MarleneSchiappa) 10 février 2019
Que faire en cas de cyberharcèlement ? Si une personne s’estime victime de harcèlement en ligne, elle doit aller porter plainte auprès de la police ou de la gendarmerie, ou par courrier au procureur de la République. Comme dans tous les cas de harcèlement, la difficulté principale vient de la collecte de preuves. Il convient donc de conserver les mails incriminés, de faire des captures d’écran, bref de conserver toute trace permettant de caractériser un harcèlement.