"Comment protéger les enfants tout en respectant leur liberté ?" La Défenseure des droits donne un coup de projecteur jeudi au droit des enfants à une vie privée, un épineux défi pour toutes les familles au regard notamment de l'univers numérique. "S'agissant des enfants, il est parfois difficile d'envisager l'idée même qu'ils aient droit à une vie privée et à des espaces d'intimité et de secret", observe la Défenseure des droits, Claire Hédon dans son rapport annuel.
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Cyberharcèlement, cybersexisme, "revenge porn", "deep fakes", droit à l'image et à l'oubli : le monde numérique pose de sérieux défis à la vie privée des enfants comme à leur réputation.
Un collégien sur quatre visé par une atteinte à la vie privée en ligne
Un quart des collégiens déclarent par exemple avoir connu au moins une atteinte à la vie privée en ligne, selon un chiffre cité par le rapport. Outre les parents, "les professionnels de l'Éducation nationale ont souvent des difficultés" à "prendre des mesures adaptées" et le traitement judiciaire de ces infractions pénales "est encore timide", déplore la Défenseure des droits.
Pour faire prévaloir le droit à la vie privée "trop souvent bafoué", l'autorité indépendante liste donc 33 propositions adressées aux pouvoirs publics dans divers domaines, du numérique à la santé ou la protection de l'enfance. Claire Hédon recommande ainsi de former "parents et enfants tous les ans à la rentrée scolaire au numérique, à leur droit à l'image, au droit à l'oubli", à la possibilité de faire retirer des contenus sur internet. "Quand on donne un portable à un enfant, on lui dit: +Pour te protéger, je dois surveiller ce que tu fais+. Tout est question d'âge et de proportion", explique par exemple la Défenseure des droits.
Plus d'informations au sujet du droit à l'image
Plus de 1.100 jeunes âgés de 6 à 21 ans ont été consultés pour l'élaboration du rapport qui coïncide avec la journée des droits de l'enfant célébrés dimanche. Il ressort que les jeunes veulent être davantage sensibilisés au "droit à l'image". Ils demandent en outre qu'il soit possible "de faire supprimer des images ou vidéos" les concernant sur les réseaux sociaux. Le rapport pointe à ce titre une "multiplication des contentieux entre parents et jeunes majeurs dont les photos d'enfance et les détails privés de leur vie ont été publiés" sans leur consentement.
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"Ma mère poste des photos de moi petite sur Facebook. La honte!", illustre ainsi une jeune fille citée dans le rapport. Tout en mettant en garde contre des usages "potentiellement intrusifs", tels que la géolocalisation, le rapport relève que de nombreux enfants "réaffirment l'importance du contrôle parental dans l'accompagnement vers l'autonomie et la protection de leur vie privée". "Tous les dimanches, elle regarde mon téléphone pour voir ce qu'il y a dedans, et je trouve ça juste", raconte une jeune fille citée dans le document.
"Clarifier le cadre juridique de la responsabilité des médecins"
Concernant le volet plus spécifique de la protection des enfants contre les violences, le rapport recommande de "clarifier le cadre juridique de la responsabilité des médecins pour leur permettre, sans risquer des poursuites disciplinaires, de signaler auprès des autorités administratives ou judiciaires tout acte de maltraitance, qu'il soit avéré ou suspecté".
Le sujet de l'intimité du corps est également abordé. La Défenseure des droits insiste sur l'importance pour les enfants de disposer de toilettes fermées à clé, notamment à l'école, et de chambre individuelle pour les enfants suivis par la protection de l'enfance ou "privés de liberté". "Certains ne veulent pas aller aux toilettes à l'école parce qu'ils ne peuvent pas s'isoler", relève Mme Hédon.
Enfin la Défenseure évoque aussi l'importance de la "préservation des relations familiales" des enfants confiés à la protection de l'enfance, des migrants "mineurs non accompagnés", ou des mineurs incarcérés.