Cyclone Chido : Dégâts, aide humanitaire, visite de Macron... Notre reporter raconte ses 10 jours à Mayotte
Après 10 jours passés à Mayotte, où 90% des infrastructures ont été "touchées, parfois détruites", selon le préfet, notre journaliste Wilfried Devillers raconte le quotidien précaire des sinistrés en manque d'eau, de nourriture et, pour bon nombre d'entre eux, privés de toit.
"Au début, tout était très très compliqué. Aujourd'hui, ça l'est encore, mais il y a des améliorations." Voici comment Wilfried Devillers résume la situation à Mayotte. De retour ce vendredi matin, après 10 jours passés dans l'archipel dévasté par le cyclone Chido, notre reporter raconte le quotidien précaire des Mahorais, privés de tout ou presque, et décrit les ravages provoqués par les vents enregistrés à plus de 220km/h ainsi que le sentiment d'abandon de certains habitants qui peinent à voir arriver l'aide alimentaire, parfois difficile à acheminer.
Un archipel défiguré
Une image lui reste tout d'abord en tête : "celle de mon arrivée" qui permet d'emblée de "mesurer l'ampleur de la destruction". Sur Europe 1, ce vendredi matin, François-Xavier Bieuville dressait un constat saisissant : "90% des infrastructures ont été touchées, parfois détruites". Un état des lieux confirmé par Wilfried Devillers. "Je suis arrivé sur Petite-Terre, l'une des deux îles de l'archipel mahorais. C'est simple, plus aucune habitation ne tenait debout. En tout cas, pour les cases, les bangas dans les bidonvilles, qui sont nombreux à Mayotte, tout a été soufflé". Un archipel défiguré, symbolisé aussi par cette image : "Il n'y avait plus aucun arbre avec des feuilles. Mayotte est très verte d'habitude, mais là, tout a été soufflé par le cyclone".
Pas d'eau potable, peu de nourriture et un sentiment d'abandon
S'agissant du quotidien des sinistrés, la situation tend à s'améliorer, mais reste extrêmement délicate. "On manque d'eau, on manque de nourriture, on manque d'accès aux soins. J'ai rencontré des habitants qui ont tout perdu, c'est-à-dire qu'ils n'ont plus de maison", raconte notre reporter, lui-même hébergé dans les locaux de Mayotte la 1ère, chaîne locale du groupe France Télévisions. Cette question de l'eau cristallise d'ailleurs les difficultés à Mayotte où il a fallu attendre "quasiment neuf jours" pour que l'eau courante coule à nouveau dans les robinets. Une eau "pas vraiment potable" que consomment tout de même les Mahorais, faute d'alternative.
Car pour se procurer de l'eau potable, "c'est un peu au petit bonheur la chance", témoigne Wilfried Devillers. "C'est la file d'attente devant les magasins. Certains jours, on ne trouve pas d'eau, car c'est au fil des livraisons". Résultat, de nombreux habitants, notamment dans les bidonvilles, boivent l'eau souillée des rivières et tombent malades. De quoi faire naître chez les Mahorais un sentiment d'abandon. "L'aide humanitaire s'est mise en place, mais beaucoup d'habitants m'ont dit que ça prenait beaucoup de temps. Moi-même, j'ai pu le constater. Beaucoup de gens à qui je parlais me disaient : 'Mais où est l'aide ? On nous parle dans les médias de l'eau potable, de nourriture, mais on ne voit pas cette aide au quotidien'".
Raison pour laquelle les propos d'Emmanuel Macron, sur place la semaine dernière et selon qui les Mahorais seraient "10.000 fois plus dans la merde" si l'archipel n'était pas français, sont mal passés auprès des habitants. "Ça a particulièrement choqué les Mahorais, car pendant très longtemps, ils n'ont pas vu d'aide humanitaire. Que le président puisse dire ça, pour eux, c'est un peu incompréhensible".
"Très difficile d'amener du matériel en grande quantité à Mayotte"
Pendant ce temps, il faut également s'atteler à la reconstruction, non sans s'armer de patience. "C'est très difficile d'amener du matériel en grande quantité à Mayotte parce qu'il y a un pont aérien qui est mis en place depuis La Réunion mais cela signifie donc que, si on achemine du matériel depuis la métropole, il faut aller à La Réunion, passer ce matériel par avion ou par bateau. Si c'est par avion, il faut aller jusqu'à Petite-Terre où se trouve l'aéroport, puis sur Grande-Terre, l'île la plus grande où il y a le plus d'habitants et le plus de dégâts. Donc tout cela prend du temps".
Il s'agira notamment de remettre sur pied les établissements scolaires, tandis que ceux qui ont eu la chance de tenir debout ont été transformés en centres d'hébergement. "De nombreux enseignants ont tout perdu : ils n'ont plus de maison et c'est très compliqué de faire cours dans ces conditions. Beaucoup tentent d'être évacués de Mayotte temporairement. Ceux que j'ai rencontrés m'ont dits que c'était temporaire, mais qu'ils en avaient besoin pour pouvoir se reconstruire". Les enfants, eux, espèrent pouvoir rapidement retrouver le chemin de l'école, une manière pour eux de "penser à autre chose".