Fermée à la circulation depuis deux mois en raison de l’insécurité, l’unique route menant au sud de la Nouvelle-Calédonie a partiellement rouvert samedi dernier. Cependant, malgré un impressionnant dispositif de sécurité déployé pour sécuriser l'axe, un car-jacking a eu lieu, forçant la fermeture immédiate de cette voie de communication essentielle.
Un axe crucial, mais dangereux
La route, qui traverse la tribu de Saint-Louis, est un passage obligé pour rejoindre le sud de la Grande Terre, principal territoire de la Nouvelle-Calédonie. Cet axe routier a été fermé début juillet, après qu’en seulement un mois, 56 automobilistes aient été victimes de car-jacking. Les gendarmes ont eux, essuyé plus de 300 coups de feu sur ce "point chaud" de la mobilisation contre le projet de dégel du corps électoral, qui a dégénéré en émeutes le 13 mai dernier. Un gendarme de 22 ans y a notamment laissé la vie le 15 mai.
Le contexte de ces violences est étroitement lié aux tensions politiques sur fond de mobilisation contre le projet de dégel du corps électoral. Ce climat d’insécurité a culminé en émeutes le 13 mai dernier, avec la mort tragique d’un jeune gendarme, âgé de 22 ans, deux jours plus tard.
Une réouverture sous haute sécurité
Mi-juillet, une opération de grande envergure avait permis de dégager la route qui était devenue impraticable, encombrée par des carcasses de voitures et des cylindres volés. Samedi matin, les autorités ont de nouveau sécurisé la voie, avec un « balayage » pour préparer la réouverture.
Le dispositif déployé était impressionnant : 150 gendarmes, six véhicules blindés de dernière génération, des drones et des tireurs d’élite. Ce déploiement massif n’a cependant pas suffi à prévenir l’agression d’un automobiliste, victime d’un car-jacking samedi soir, à peine quelques heures après la réouverture partielle de la route.
Malgré les efforts des forces de l’ordre, rares sont les habitants à avoir osé emprunter cet axe. Beaucoup, comme Linda, préfèrent utiliser les navettes maritimes mises en place pour rejoindre Nouméa, la capitale. « Pour l’instant, je préfère continuer à prendre les navettes », confie-t-elle, évoquant la crainte de traverser une zone encore marquée par l’insécurité.
La réouverture de la route avait pourtant été longuement préparée en concertation avec les responsables coutumiers de la tribu de Saint-Louis, et avec l’implication des « mamans », souligne le général Nicolas Mattheos, commandant de la gendarmerie. Toutefois, la tribu est encore en deuil. Deux de ses membres, recherchés pour leur rôle dans les violences contre les gendarmes, sont morts en septembre lors d’une opération des forces de l’ordre.
Ces décès, ajoutés à celui d’un autre membre de la tribu en juillet, tous tués par le GIGN, continuent d’alimenter les tensions au sein de cette petite communauté de 1.200 habitants, pour qui ces hommes sont considérés comme des militants indépendantistes avant d’être des délinquants.
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Une tentative de dialogue avortée
Lors de la réouverture partielle, des élus de la province Sud, Gil Brial et Philippe Blaise, connus pour leurs positions dures envers les indépendantistes, se sont rendus sur place. Leur présence a provoqué la colère de certains habitants de Saint-Louis, obligeant les autorités à les évacuer sous protection.
Face à ce contexte explosif, la route a de nouveau été fermée après l’incident de samedi soir. Désormais, les autorités envisagent de rouvrir l’axe uniquement sous forme de convois, escortés par les forces de l’ordre, afin de garantir la sécurité des automobilistes tout en évitant de nouvelles violences.
La fermeture de cette route critique continue d’isoler une partie de la population du sud de la Grande Terre, amplifiant le sentiment d’urgence pour trouver une solution durable. Les autorités, en collaboration avec les leaders coutumiers, espèrent pouvoir rétablir la circulation dans des conditions plus sûres, mais la situation reste tendue et incertaine.
La situation actuelle illustre non seulement la complexité des tensions en Nouvelle-Calédonie, entre revendications indépendantistes et impératifs de sécurité, mais aussi la nécessité de trouver un terrain d’entente pour restaurer la confiance et permettre à la population de circuler librement et en toute sécurité.