Dans le langage administratif, il suffit de trois lettres pour les évoquer. Les "M.I.E", les mineurs isolés étrangers, sont près de 1.300 à vivre dans le camp de migrants de Calais, selon un recensement publié par France terre d’asile le 12 octobre.
C’est en priorité pour eux, que onze associations, dont Emmaüs, le Secours catholique et l’Auberge des migrants, avaient saisi, mercredi dernier, en référé-liberté, le tribunal administratif de Lille pour s’opposer au démantèlement programmé de la "jungle" de Calais. Une demande rejetée mardi par la justice et qui renforce l’inquiétude des bénévoles quant à l’avenir des mineurs du camp. Car si près de 7.000 places d'hébergement ont été trouvées pour les adultes, le sort des enfants reste incertain.
Les mineurs, pas éligibles au dispositif des CAO. Selon l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), les mineurs "relèvent du droit à la protection à l’enfance" et ne sont pas éligibles au dispositif des centres d’accueil et d’orientation (CAO), disséminés aux quatre coins de France et qui n’hébergent que des adultes.
Alors que l'opération de démantèlement est prévue au 24 octobre prochain, le Conseil de l’Europe avait déjà pointé la précipitation du gouvernement et le manque de "plan précis" proposé par la France pour prendre en charge les migrants, notamment les enfants.
Une situation dont s’est aussi ému, mardi, le Défenseur des droits Jacques Toubon, au micro d’Europe 1, insistant sur la nécessité "humanitaire" du démantèlement mais insistant sur les dispositifs d’accompagnement, notamment pour "les enfants [qui] jouissent de droits particuliers".
Des mineurs isolés et vulnérables. Sur place, les associations regrettent qu’ "aucune solution crédible" ne leur ait été présentée. S’ils sont isolés, les mineurs, majoritairement âgés de 14 à 18 ans, sont aussi vulnérables et constituent des proies faciles.
Après le premier démantèlement, près de 100 enfants avaient ainsi été "perdus", raconte François Guennoc, l’un des responsables de l’Auberge des migrants. "Certains ont profité pour passer la Manche", ajoute t-il. Dans un rapport daté de juin 2016, l’Unicef fait aussi état de traite des enfants, de leur soumission aux passeurs, mais aussi de viols et de prostitution.
Le Royaume-Uni à la rescousse. L’Etat accélère la simplification des procédures de transfert des mineurs vers le Royaume-Uni et souhaite « amplifier » leurs départs dans les prochains jours. Dans une tribune publiée dans le quotidien britannique The Guardian, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a accentué la pression sur le Royaume-Uni, l’appelant à sa responsabilité morale dans l’accueil des mineurs isolés.
Car selon la Croix-Rouge, sur le millier de mineurs du camp, majoritairement d'origine afghane, érythréenne ou soudanaise, plus d’une centaine d’enfants a des liens familiaux au Royaume-Uni, où ces communautés sont déjà établies. La plupart d'entre eux parlant l'anglais plutôt que le français, a "forcément le regard tourné vers l'Angleterre", témoigne Jean-Claude Lenoir, président de l'association Salam. Lundi, quatorze d’entre eux ont ainsi bénéficié de l’accord franco-anglais sur le transfert de mineurs. Mardi, douze autres les ont suivis. Des procédures accélérées alors que la Croix-Rouge précisait qu’il fallait auparavant dix à onze mois pour faire venir un enfant au Royaume-Uni
"Leur avenir n’est pas à Calais". Le temps que la situation des mineurs soit examinée, la Défenseure des enfants Geneviève Avenard a demandé à ce que l’un des rares bâtiments en dur de la "jungle" soit préservé pour être réservé aux mineurs, le centre d’accueil provisoire (CAP).
"C’est un lieu provisoire le temps des démarches", précise Jean-Claude Lenoir. Lui qui officie depuis près de 20 ans dans le camp, affirme que "Ça serait une erreur de laisser les migrants, encore plus les mineurs, dans la région". Il estime qu'avec "20% de chômage dans la ville, l'avenir des migrants n’est pas à Calais".