Le tribunal correctionnel de Paris a relaxé mardi Bernard Tapie, jugé pour "escroquerie" dans l'affaire de l'arbitrage controversé qui lui avait octroyé 403 millions d'euros en 2008 et qui a été annulé au civil pour "fraude". Pour le tribunal, "aucun élément du dossier ne permet d'affirmer" que cette sentence "ait été surprise par la fraude". Invité mardi d'Europe 1 Maurice Lantourne, avocat historique et ami de Bernard Tapie, lui aussi mis en cause et relaxé ce mardi, confie "sa joie et son soulagement".
"Le tribunal retient qu'il n'y a aucune manœuvre frauduleuse"
"J'étais poursuivi pour avoir fait mon métier, ce qui est assez rare. J'ai fait l'objet de critiques acerbes pendant quelques années. C'est une grande joie et un soulagement, d'une part d'être relaxé, mais également que tout le monde soit relaxé, dans une décision qui est extrêmement précise et technique", estime l'avocat. Selon les termes mêmes du tribunal, "il n'y a pas de manœuvre à savoir manier habilement ses droits dans le cadre d'une stratégie judiciaire". Des termes avec lesquels Maurice Lantourne est en parfait accord.
"Le tribunal a répondu techniquement à tous les éléments de l'accusation. Mais il a surtout mis en évidence que, pour un avocat, ce n'est pas une manœuvre constitutive d'une escroquerie d'établir une stratégie judiciaire, de l'appliquer, dès lors que ce n'est pas frauduleux. Et le tribunal retient qu'il n'y a aucune manœuvre frauduleuse", souligne l'avocat.
Pour l'ancien conseil de Bernard Tapie, cette décision du tribunal ne fait que renforcer une conviction : "Depuis le début, nous sommes convaincus que Bernard Tapie a raison à l'égard de la banque (le Crédit Lyonnais, dans le cadre de l'arbitrage controversé aux origines de l'affaire)". "Bernard Tapie a gagné en première instance, en appel, par l'arbitrage. Ce n'est qu'au mépris du droit que ces décisions ont été annulées", notamment par la justice civile, qui a condamné l'homme d'affaire à rembourser les 403 millions d'euros versés par l'Etat en 2008.
Bernard Tapie doit tout de même rembourser les 403 millions
"Depuis 1996, je suis dans ce dossier", raconte Maurice Lantourne. "Et j'ai eu la conviction, pièces a l'appui, qu'il avait été spolié par la banque. Pièce a l'appui puisque nous avons arraché une par une les pièces ; d'une part, dans des perquisitions qui étaient faites contre Tapie mais qui se sont retournées pour lui, quand on a découvert les documents secrets que la banque avait dissimulé ; ensuite en allant aux Etats-Unis, dans le cadre d'une autre procédure, chercher des documents qui établissaient que les sociétés 'offshore' qu'avait mis en place la banque étaient des sociétés de portages. Et qu'en fait, la banque avait acheté elle même l'affaire qu'elle était chargée de vendre".
"C'est la faute la plus grave qu'un mandataire puisse commettre", insiste l'avocat. Et d'expliquer : "Vous chargez quelqu'un en toute confiance de vendre votre maison. Il vous annonce qu'il peut la vendre 500.000. Et en réalité, il l'a vendue un million à un tiers. Il l'a faite acheter 500.000 par un ami porteur et il vous prend la plus-value. C'est simple à comprendre : vous n'avez pas le droit d'acheter l'actif que vous êtes chargé de vendre, sauf si vous avez une autorisation écrite du vendeur".
Malgré cette relaxe devant la justice pénale, Bernard Tapie doit tout de même rembourser les millions perçus lors de l'arbitrage censé solder son litige avec le Crédit Lyonnais, lié à la revente d'Adidas. Au civil, l'arbitrage Tapie a été annulé pour "fraude" en 2015 et l'homme d'affaires a été condamné définitivement en mai 2017 à rembourser les sommes perçues. Mi-janvier, la justice a placé ses sociétés en redressement judiciaire. Les modalités de remboursement de Bernard Tapie - en faillite personnelle depuis décembre 1994 - sont toujours débattues devant le tribunal de commerce.
Pourquoi Bernard Tapie et le Crédit Lyonnais étaient-ils en litige ?
Les prémices de l'affaire remontent à… 1993. Cette année-là, l'équipementier sportif Adidas est vendu par Bernard Tapie à un groupe d'investisseurs dont le Crédit Lyonnais, alors public. La transaction, pour un montant de 315,5 millions d'euros, marque le début d'un litige entre la banque et l'homme d'affaires. Car dès 1994, alors que Bernard Tapie est personnellement placé en liquidation judiciaire, Adidas est revendue à Robert Louis-Dreyfus pour 701 millions d'euros. Bernard Tapie estime avoir été floué et réclame les plus-values de cession.