Dissoudre les mosquées radicales, pas une mince affaire

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avec AFP
Le gouvernement a fait part de son intention de dissoudre les mosquées radicales. Mais sur le terrain et juridiquement, la chose n’est pas aisée.

C’est l’une des réponses aux attentats du 13 novembre à Paris. Manuel Valls affirmé lundi sur RTL que les mosquées et les associations radicales "qui s'en prennent aux valeurs de la République" devront être fermées. Une disposition pour la "dissolution" des mosquées radicales sera étudiée prochainement en Conseil des ministres, avait pour sa part annoncé dimanche le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve. Pour autant, l’application concrète d’une telle volonté est en fait compliquée. D’abord parce que le repérage de telles mosquées sur le terrain n’a rien d’aisée. Ensuite parce que juridiquement, des contraintes existent.

Salafiste ne veut pas dire djihadiste. Dans les faits, les mosquées à tendance salafiste, la branche la plus radicale de l’Islam, sont sans aucun doute plus nombreuses aujourd’hui qu’il y a quelques années. Selon des sources du renseignement interrogées ces derniers mois, une centaine de mosquées et salles de prière françaises sont sous influence salafiste. Ces lieux, bien connus et surveillés des services, se trouvent principalement dans les grandes agglomérations: en région parisienne, à Marseille, Lyon, Lille. Pour autant, selon les spécialistes de l’Islam, le djihadisme est très minoritaire dans la mouvance salafiste implantée en France, certes ultraconservatrice mais hostile à la violence armée, condamnée sans ambiguïté.

Pour preuve, l'un des prédicateurs salafiste les plus suivis sur la Toile (près de 180.000 "amis" sur Facebook), le très radical imam brestois Rachid Abou Houdeyfa, qui tient des propos très polémiques sur les dessins ou sur la musique, a qualifié dans une vidéo les attentats de vendredi d'actes "barbares" commis par des "égarés". "Il y a des mosquées qui peuvent être tenues par de jeunes prédicateurs à tendance salafiste, d'autres qui font l'objet de déstabilisations, mais des mosquées pro-Daesh, nous n'en avons jamais entendu parler", assure d’ailleurs Anouar Kbibech, président du Conseil français du culte musulman (CFCM), instance représentative des quelque 2.500 lieux de culte musulmans de France.

"Cela risque d'être retoqué en justice". Au final, les mesures de dissolution "risquent d'être très ciblées et très limitées", prévoit Anouar Kbibech. Car après avoir repéré les mosquées radicales, pour les dissoudre, il faut que les propos tenus soient répréhensibles aux yeux de la loi, en l’occurrence l’article L 212-1 du Code de sécurité intérieure, comme le rappelle Le Figaro.

Le texte édicte sept critères pour aboutir à la dissolution d’une association. Parmi eux, " la discrimination, l'appel à la haine ou à la violence" en raison de "l'appartenance ou de la non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée", ou le fait de se livrer "sur le territoire français ou à partir de ce territoire à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l'étranger". Des propos qu’il sera parfois difficile à prouver, selon Bernard Godard, qui a longtemps été le "Monsieur islam" de Beauvau. "S'il n'y a pas de preuves" de discours haineux, "cela risque d'être retoqué en justice", fait-il valoir. L’homme pronostique seulement une dizaine de fermeture dans les semaines à venir.

Cazeneuve veut "modifier la législation en vigueur". Le gouvernement est d’ailleurs bien conscient du problème. "Nous avons des dispositions législatives qui ne nous permettent pas aujourd’hui de dissoudre les mosquées dans lesquelles un certain nombre d’acteurs appellent à la haine parfois jusqu’à provoquer au terrorisme. D’ailleurs, au cours des 15 dernières années, il n’y a pas eu une dissolution de mosquée salafiste", a rappelé Bernard Cazeneuve lors des questions au gouvernement mardi. Alors les dossiers sont préparés avec soin. "La première qui sera présenté au Conseil des ministres le sera au terme d’une longue procédure", a annoncé le ministre de l’Intérieur.

Le ministre prépare par ailleurs un nouvel arsenal législatif en la matière. "Il faut absolument, pour aller plus loin, être plus efficace et plus rapide, modifier la législation en vigueur parce que ce que nous souhaitons, c’est agir contre le terrorisme dans le respect scrupuleux des règles de droit", a poursuivi Bernard Cazeneuve. "Et pour cela, nous allons présenter des dispositions législatives nouvelles et modifier la Constitution dans l’esprit du président de la République", a-t-il conclu. Une chose est sûre, la dissolution massive de mosquées radicales n’est pas pour demain.