Seront-ils deux dans le box des accusés ? La justice décidera jeudi en appel si Henri Leclaire doit ou non comparaître avec Francis Heaulme, le routard du crime, pour le meurtre de deux petits garçons commis en 1986 à Montigny-lès-Metz.
Aveux, puis rétractation. Aussi petit et trapu que Francis Heaulme est grand et sec, Henri Leclaire, ex-manutentionnaire de 67 ans, est mis en examen depuis août 2014 dans cette affaire où son nom n'a cessé de revenir par intermittence. L'homme avait été le premier à avouer le meurtre d'Alexandre Bekrich et Cyril Beining, tués à coups de pierre sur un talus SNCF où ils jouaient à Montigny-lès-Metz, le 28 septembre 1986. Arrêté en décembre de la même année, il s'était rétracté et avait été rapidement blanchi par les enquêteurs.
Après avoir recueilli d'un nouveau suspect d'autres "aveux" qui se révéleront des affabulations, les enquêteurs mettent la main quelques mois plus tard sur Patrick Dils, un garçon de 16 ans qui passera lui aussi aux aveux avant de se rétracter. Ce jeune homme passera quinze ans derrière les barreaux avant d'être acquitté en 2002 au bout de trois procès d'assises. Entre temps la présence de Francis Heaulme sur les lieux du crime a pu être avérée, grâce notamment aux recherches du gendarme Jean-François Abgrall, qui avait débusqué le "routard du crime".
De nouveaux témoins. Heaulme finit par comparaître le 31 mars 2014 devant les assises de Moselle pour le double meutre de Montigny-lès-Metz. L'enquête a été compliquée par la destruction de plusieurs scellés. Et le procès est ajourné dès le deuxième jour d'audience, après l'audition de nouveaux témoins incriminant Henri Leclaire. Parmi eux, une femme devant laquelle il aurait évoqué l'affaire de Montigny après lui avoir livré ses courses. "Il s'était mis à crier et gesticuler comme s'il se trouvait devant les gosses", puis avait raconté les avoir attrapés, mais "répété qu'il ne les avait pas tués", a-t-elle dit à la barre.
Vient s'y ajouter le récit d'un cheminot, qui affirme avoir vu un homme "ressemblant à 90%" à Henri Leclaire, les vêtements ensanglantés, le jour du double meurtre. Contre l'avis du parquet, la chambre d'instruction avait décidé le 20 avril dernier de renvoyer le suspect devant les assises. Mais son avocat, Me Thomas Hellenbrand, a fait appel. "Dans ce dossier qui va d'erreur en erreur, on en arrive encore à faire perdre deux ans aux familles", déplore l'avocat, qui accuse ces témoignages d'être aussi peu fiables que la série d'aveux recueillis par les enquêteurs. Dans une rare interview accordée à France 2, en 2001, Henri Leclaire a dit que ses aveux étaient "des conneries que j'ai racontées pour qu'ils [les policiers] arrêtent de m'emmerder".
"Francis Heaulme ne ment pas". Francis Heaulme, lui, n'a jamais avoué le meurtre d'Alexandre Beckrich et Cyril Beining, mais il reconnaît avoir été sur les lieux du crime. Aux enquêteurs, il explique avoir vu les deux petits garçons lancer des cailloux. Au retour, il assure les avoir trouvé morts et avoir vu Henri Leclaire, tâché de sang, descendre le talus. Heaulme avait déjà évoqué le nom de Leclaire une première fois en 1989. Alors qu'il était interrogé sur le meurtre d'une femme sur une plage en Bretagne, "il dit qu'il était avec Henri Leclaire sur la plage", se souvient Jean-François Abgrall.
A l'époque le gendarme ne fait pas le lien. Mais il remarque aussi que de nombreux détails et noms mentionnés par le tueur en série se rapportent à des faits réels issus d'autres affaires. "Francis Heaulme ne ment pas. Il brouille les pistes : pour lui, mentir, c'est mélanger des éléments qui se sont passés à droite et à gauche", dit-il. Pendant près de 10 ans, Jean-François Abgrall n'a su que faire du nom de Leclaire. Jusqu'à ce qu'une avocate de Patrick Dils le contacte et permette de faire le lien entre Heaulme et Montigny-lès-Metz. Jeudi, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Metz dira si elle confirme ou si elle renonce à ce que Leclaire comparaisse aux côtés du "routard du crime".