Depuis plus de 20 ans, son nom n'a cessé de refaire surface dans le dossier. Premier suspect rapidement blanchi après le meurtre de deux enfants près de Metz, il avait été à nouveau accusé par des témoins en 2014. Après un supplément d'enquête, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Metz avait blanchi le sexagénaire, le 7 juillet 2016, renvoyant le tueur en série Francis Heaulme seul devant la cour d'assises. Mais la mère de l'une des victimes a porté l'affaire devant la Cour de cassation, réclamant l'annulation du non-lieu. La décision est attendue mardi.
Le premier à avouer les crimes. Le 28 septembre 1986, les corps d'Alexandre Bekrich et Cyril Beining, deux garçons de huit ans, sont retrouvés le crâne fracassé à coups de pierres, sur un talus, près d'une voie ferrée de Montigny-lès-Metz. Henri Leclaire travaille alors à l'imprimerie Le Lorrain, située en contrebas du chemin de fer. Deux mois après les faits, le manutentionnaire s'accuse des crimes, laissant penser que l'enquête ne sera pas longue. Mais des inexactitudes dans ses propos sèment le doute dans l'esprit des enquêteurs. Lors d'une reconstitution, ceux-ci estiment en outre que la morphologie du suspect ne lui permettait pas de monter sur le talus. Après avoir retiré ses aveux, Henri Leclaire est alors mis hors de cause.
Quelques mois plus tard, la police identifie un nouveau suspect. Âgé de 16 ans et voisin des jeunes victimes, Patrick Dils a été aperçu près de la voie ferrée le soir des meurtres. L'adolescent introverti passe aux aveux avant de se rétracter à son tour, en vain. Le 27 janvier 1989, il est le premier mineur de France à être condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. En 2002, une procédure de révision aboutit à son acquittement, principalement fondé sur la révélation d'un élément-clé : la présence, au moment des faits, du tueur en série Francis Heaulme à proximité du lieu des meurtres.
Un homme "ressemblant à 90%" à Leclaire. Mis en examen, le "routard du crime" nie toute implication dans le dossier mais y fait ressurgir un nom bien connu des enquêteurs : celui d'Henri Leclaire, qu'il affirme avoir croisé, ensanglanté, le soir du double meurtre. À l'époque, ces accusations ne suffisent pas pour incriminer l'ex-manutentionnaire et Francis Heaulme comparaît seul, devant les assises de la Moselle, le 31 mars 2014. Mais à l'audience, deux témoignages viennent à leur tour incriminer Henri Leclaire. Une femme affirme que le sexagénaire lui a expliqué avoir "attrapé" les enfants, mais pas les avoir tués. Un cheminot se souvient de son côté d'avoir vu un homme "ressemblant à 90%" au premier suspect des policiers, les vêtements ensanglantés, le 28 septembre 1986. L'audience est suspendue, le temps de nouvelles investigations.
Un an plus tard, en avril 2015, des juges d'instruction décident - contre l'avis du parquet - de renvoyer Henri Leclaire devant les assises, aux côtés du "routard du crime". Mais le sexagénaire fait appel et bénéficie d'un non-lieu, la justice privilégiant le suspect Heaulme. À l'audience, l'hypothèse de meurtres commis par les deux hommes est qualifiée de "journalistique" par la chambre de l'instruction.
L'avocat général pour l'annulation. A quelques mois du procès qui pourrait enfin clore l'affaire - l'audience doit avoir lieu du 24 avril au 12 mai -, la décision de la Cour de cassation va-t-elle conduire à un ultime rebondissement ? Lors de l'examen du pourvoi, en décembre 2016, l'avocat général s'est prononcé en faveur d'un procès à deux accusés, préconisant l'annulation du non-lieu pour Henri Leclaire. Après deux infarctus en prison et malgré des "pathologies graves", Francis Heaulme devra lui répondre de ces meurtres quoi qu'il arrive : mi-décembre, une expertise médicale a estimé son état compatible avec une comparution devant les assises.