C'est une situation le plus souvent méconnue des parents d'élèves et des enseignants, mais qui a de quoi inquiéter. En France, aujourd'hui, plusieurs centaines d'établissements scolaires sont contaminés par de dangereux polluants. "Dans ces établissements, il y a dans les sous-sols, dans l'eau distribuée dans les robinets, dans l'air intérieur, des polluants qui sont l'héritage du passé industriel de la France", précise Jacky Bonnemains, porte-parole de l'association de protection de l'environnement Robin des Bois, dans Europe 1 Bonjour.
Plomb, hydrocarbures et solvants chlorés. L'association a mis en ligne le 10 janvier l'intégralité des diagnostics de pollution des établissements scolaires français en sa possession, repérés par l'émission Envoyé Spécial. L'inventaire comprend 1.051 diagnostics, sur 1.400 écoles analysées. Et l'on apprend ainsi que près de 61% des établissements posent problème. Le constat est donc sans appel : "la santé des enfants n'est pas assurée partout". Les principaux polluants relevés dans ces écoles - souvent situées à proximité d'usines encore en activité ou non - sont le plomb, les hydrocarbures volatiles et les solvants chlorés. "La pollution ne s'efface pas, c'est un serpent venimeux presque éternel qui évolue au gré des saisons, de la température, de la hauteur des nappes phréatiques. Ces pollutions sont difficiles à dompter", explique-t-il.
Des diagnostics restés méconnus. Pourquoi ces diagnostics alarmants n'ont-ils pas reçu l'écho qu'ils auraient mérité ? Et pourquoi aussi peu de travaux sont entrepris ? L'association Robin des bois tient justement à lutter contre cette opacité. "On a l'habitude d'appeler le ministère de la Défense 'La Grande Muette', mais en fait, on pourrait aussi le dire du ministère de l'Education nationale", dénonce Jacky Bonnemains. "Les diagnostics ont été classés dans des tiroirs, voire dans des chambres fortes. Ils n'ont absolument pas été partagés aux parents d'élèves ou aux enseignants", déplore-t-il. Pire, le militant assure que "certains établissements", voire carrément "certains régions comme le Rhône-Alpes", ont été "délibérément écartés du diagnostic".
Peu de mesures concrètes. Pour les établissements scolaires qui ont connaissance de leur niveau de pollution, c'est tout bonnement la croix et la bannière pour entreprendre des démarches de dépollution. Bien souvent, les collectivités privilégient le système D à de longs et coûteux travaux. À Mouy, dans l'Oise, où des solvants chlorés coulaient des robinets de la maternelle, on a choisi d'y installer des fontaines à eau… Et cela fait déjà trois ans. "Suite au diagnostic, une crèche a été fermée à Paris, dans le 17e arrondissement. Une autre à Beauvais. Plusieurs écoles se trouvent dans une situation instable et mériteraient d'être fermées. Dans les Ardennes ou à Marseille, par exemple", indique Jacky Bonnemains.
Réfléchir à une solution. Pour l'ancienne ministre de l'Écologie Corine Lepage, l'Etat doit se saisir du dossier comme d'un enjeu de santé public. Interrogée par Europe 1, elle propose une mesure concrète : "Je pense que si on créait un fonds dans lequel l'argent serait bloqué pour 30 ans, avec comme contrepartie l'absence de droits de succession, on pourrait récupérer pas mal d'argent qui permettrait précisément de dépolluer les sols." La charge de dépolluer revient au dernier exploitant de l'usine, dans un délai de 30 ans. Or, bien souvent, ces entreprises ont déjà quitté les lieux, en laissant les sols tels quels.