Fermetures de classes : les territoires ruraux en alerte

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Dans de nombreux départements, les fermetures de classes entraînent des mobilisations de parents et d’enseignants. La faute à la réforme de l’éducation prioritaire ?

Ils dénoncent une école rurale "dépouillée", pour reprendre le terme du SNUipp-FSU, principal syndicat de professeurs du primaire. Parents et enseignants se mobilisent depuis plusieurs semaines pour protester contre la fermeture de classes, notamment en maternelle, à la rentrée prochaine. Manifestations devant les établissements, rassemblements devant les rectorats, organisation de "Nuits des écoles"… Dans la Somme, le Centre, les Côtes-d’Armor ou encore les Alpes Maritimes, la carte scolaire de la future rentrée suscite de plus en plus de remous.

"Il y a environ 70 départements en alerte"

"Nous voulons sensibiliser les parents qui ne sont pas encore engagés dans la lutte pour sauver des classes et évidemment attirer l'attention sur ces écoles", explique la FCPE, principale fédération de parents d’élèves, qui vient de participer à une "Nuit" dans 14 écoles de la Somme. "On est en train de dépouiller le rural. Il y a environ 70 départements en alerte", renchérit son vice-président Hervé-Jean Le Niger, invité d’Europe 1 mardi.

La grogne prend également une tournure politique, et le combat dépasse le clivage gauche-droite. Après le député socialiste Jean-Louis Bricout, applaudi par les députés LR, c’est le député LR Guillaume Peltier qui a interpellé le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, lundi, parlant de "confiance trahie" après la promesse d'Emmanuel Macron (prononcée en juillet lors de la Conférence nationale des territoires) de ne fermer aucune classe dans les écoles primaires rurales.

Une bataille de chiffres entre ministère et syndicats

Mais que disent vraiment les chiffres ? Y aura-t-il vraiment plus de fermetures de classes que d’ouvertures l’an prochain ? Cité par Les Echos, Jean-Michel Blanquer parle, lui, de "démagogie" à l’évocation de fermetures massives. "Dans chaque département rural de France, on comptera à la rentrée prochaine plus de professeurs par élève que cette année", assure le ministre. Dans les faits, effectivement, 3.681 postes d’enseignants supplémentaires, déjà budgétés, seront bien créés pour la rentrée prochaine, alors qu’il y aura 32.657 élèves en moins dans le premier degré.

Entendu sur europe1 :
Le dédoublement dans les zones prioritaires aspire, vampirise, un grand nombre de postes d’enseignants ailleurs

Mais ces chiffres ne tiennent pas compte de la réforme -  déjà amorcée lors de la précédente rentrée et qui sera poursuivie à la prochaine – des classes en Zone d’éducation prioritaire. Pour rappel, dans ces zones, les effectifs des classes en CP et CE1 doivent être divisés par deux, et les effectifs d’enseignants seront donc doublés. Selon le SNUIPP, cette réforme nécessitera la création de près de 2.400 postes d’enseignants… de plus que les 3.681 évoqués par le ministre. Résultats, selon les calculs d’Europe 1 : il y aura 880 fermetures de classes dans une vingtaine de départements ruraux dans lesquels ont été constatées des mobilisations à la rentrée prochaine, contre 630 ouvertures.

"Je pense qu'il faut savoir ce qu'on veut"

"Le dédoublement dans les zones prioritaires aspire, vampirise, un grand nombre de postes d’enseignants ailleurs", s’inquiète au micro d’Europe 1 Hervé-Jean Le Niger, de la FCPE. "Cela se fera au détriment d'un très grand nombre de dispositifs en territoires ruraux, mais aussi les dispositifs de scolarité des moins de 3 ans. C’est pour ça que les enseignants et les parents montent au front", martèle-t-il.

"Je pense qu'il faut savoir ce qu'on veut", nuance pour sa part Bernard Toulemonde, directeur général de l'enseignement scolaire et auteur de Et si on tuait le mammouth ? : les clés pour (vraiment) rénover l'Education nationale. "Les résultats des élèves français sont mauvais, médiocres car un certain nombre ne possède pas les bases. Nous sommes le pays le plus inégalitaire de l'OCDE. Pour résoudre ça, il faut baisser de manière considérable le nombre d'élèves dans les classes prioritaires. Cela demande des moyens", développe-t-il sur Europe 1. Et de conclure : "Nous sommes un pays qui maintient des milliers et des milliers d'écoles à classe unique dans le milieu rural. On ne peut pas dire que l'on n’en fait pas assez dans le milieu rural".

Reste qu’Emmanuel Macron et son ministre se gardent bien de présenter la chose de cette manière. Contacté par les Echos, le ministère se contente de tempérer : "S'il y a lieu d'ajuster au final, ce sera fait".