Les "gilets jaunes" sont de retour. Les fêtes passées, ils réinvestissent les ronds-points, et reprennent les actions coups de poings. Mercredi, près de Rouen, environ 60 "gilets jaunes" se sont par exemple retrouvés en pleine nuit pour bloquer l'accès au dépôt pétrolier de Grand-Quevilly. De son côté, le gouvernement n'entend pas se laisser dépasser, et a fait savoir aux préfets en région que les points de blocage devaient être "définitivement" libérés.
Le gouvernement veut reprendre la main
Christophe Castaner, le ministre de l'Intérieur demande clairement plus de fermeté. Il exige désormais de tous les préfets deux points d'étape quotidiens sur les ronds-points en cours d'occupation et les mesures prises. "L'objectif : c’est la libération complète et définitive de la centaine de ronds-points encore ou de nouveau occupés", écrit-il dans le télégramme qu'il leur envoie, et qu'Europe 1 a pu consulter. L'initiative fait écho à la fermeté dont Emmanuel Macron a lui-même fait montre lors de ses vœux présidentiels.
Mais pour les "gilets jaunes" normands qui ont bloqué la raffinerie du dépôt de Grand-Quevilly, il n'est pas question de relâcher la pression. Autour d'un feu de palettes et de branches de sapin de Noël, ils sont une quarantaine à s'être installés au rond-point des Vaches à Saint-Etienne-du-Rouvray, bien décidés à poursuivre une mobilisation que la plupart n'ont pas arrêtée pendant les vacances. "Non, il y a pas moins de monde, les gens viennent, repartent, reviennent, repartent, mais au final on est toujours autant", assure Laetitia, une mère de trois enfants qui se mobilise depuis le début du mouvement. "La veille du jour de l'an on était au moins une centaine. On a tous écouté ce que notre gentil président nous a dit et forcément, vu comment il a parlé, je ne suis pas persuadé que ça va s'arrêter".
"De toute façon ça va repartir"
Bientôt rassemblés depuis sept semaines, ils assurent que le mouvement reprend du poil de la bête, alors que la trêve des confiseurs arrive à son terme. "De toute façon, les gens sont déterminés depuis le départ. Ça reste le noyau dur et le but c'est que ce noyau dur fasse des petites graines et que ça reparte", explique Jonathan. "Les gens avaient besoin de souffler, retrouver la famille, les fêtes. Moi je suis convaincu que toute façon ça va repartir", assure-t-il. "Aujourd'hui, les gens ont bougé un petit peu hors du rond-point : le but c'est de rien lâcher, jusqu'au bout !".
Mercredi, en marge du blocage du site pétrolier, une opération barrière levée a également été lancée à un péage sur l'A13, et des filtrages mis en place. À l’Elysée, on refuse de qualifier ce qui est en train de se passer sur les ronds-points. On dit simplement "voir et entendre". "Les réponses ont été apportées avec les mesures annoncées par Emmanuel Macron le 10 décembre", rappelle un conseiller. "Maintenant, c'est le moment du grand débat national. Pour faire remonter les doléances. Et ensuite tirer les conclusions."
Vers une évolution de la lutte ?
Dans le Var également, plusieurs ronds-points restent occupés. Moins nombreux qu'avant les fêtes de fin d'année, les manifestants ne se satisfont pas des annonces du chef de l'Etat. Ils sont d'ailleurs persuadés, eux-aussi, que le mouvement va reprendre de plus bel. Sur le rond-point à proximité de la barrière d'autoroute de Fréjus Saint-Raphaël, ils ont même reconstruit, à l'aide de palettes, leurs cabanes et de quoi passer leurs journées. Lila en est persuadé, le mouvement ne s’essouffle pas : "à chaque fois qu'ils nous délogerons, on reconstruira le camp jusqu'à tant qu'il y ait quelque chose de concret", déclare-t-elle. "Il va y avoir un nouveau souffle, les gens sont en train d'ouvrir les yeux", veut-elle croire.
Un peu plus loin, au Muy, ils sont une petite dizaine installée à quelques mètres de l'échangeur de l'A8. Si ces "gilets jaunes" ne filtrent plus la circulation, ils restent toujours déterminés. "On est toujours là, même ceux qui ne sont pas là restent mobilisées", nous assure-t-on. Ici, les gens veulent croire que la mobilisation reprendra de l'ampleur fin janvier, quand tomberont les premiers salaires amputés par le prélèvement à la source. Mobilisé depuis la première heure au Cannet, Frédéric table sur une transformation de la lutte. "Le mouvement a déjà commencé à évoluer, il se structure dans l'ombre. Il y a des ateliers citoyens mis en place, des regroupements. Des choses se préparent", glisse-t-il. Les autorités pourraient agir en conséquence. Il reviendra à chaque préfet de décliner au niveau local ses propres modalités d'évacuation, explique Beauvau, et notamment en fonction des profils des "gilets jaunes".