Des bâtiments calcinés, des voitures renversées, des débris brûlés et entassés depuis plusieurs jours, les routes de la Guadeloupe sont métamorphosées. Il est devenu presque impossible de se frayer un chemin. Pour passer d’une commune à l’autre, il faut désormais franchir les nombreux barrages. Derrière eux, des manifestants en grève depuis le 15 novembre, en lutte contre l’obligation vaccinale et le pass sanitaire. Pour les invités de Punchline, lundi soir, ces protestations sont le résultat de plusieurs années de colère.
Derrière la contestation, des années de tensions sociales
Derrière les émeutes, ce sont en vérité des mois, voire des années de tensions sociales qui se dévoilent enfin aux autorités. "Il y a des zones en Guadeloupe, dans le sud notamment, où ils ont de l’eau une fois tous les trois jours", a lancé lundi Jean-Claude Dassier, consultant CNews sur le plateau de Punchline sur Europe 1 lundi soir. "Ce n’est pas acceptable, sans parler des problèmes de prix !"
En Guadeloupe, la campagne de vaccination a fait résonner le sentiment de colère de nombreux habitants. Incompris, désemparés, ils ont décidé de se faire entendre. "Je ne veux pas que les enfants aient cette vaccination encore expérimentale", témoigne une habitante de l’île. Sur place, le taux de couverture vaccinale, c’est-à-dire au moins une injection, des personnes de plus de 18 ans est de 46,43%. À titre de comparaison, ce taux est de 91% en France métropolitaine.
"Il y a l’excuse du pass sanitaire, mais c’est une situation explosive et qui est explosive en Guadeloupe depuis longtemps !" lance François Pupponi, député apparenté Modem du Val-d’Oise. "Avec une vraie délinquance, des jeunes qui ont basculé dans le trafic de drogue, la toxicomanie, et il y a le chlordécone", détaille-t-il. Le chlordécone, ce pesticide toxique utilisé pendant plus de vingt ans dans les bananerais en Guadeloupe et en Martinique pour lutter contre les charançons. "Tout cela mélangé, à un moment ça explose et tout est prétexte pour que ça dérape", a-t-il ajouté. "On est vraiment face à des délinquants qui n’ont peur de rien, des jeunes qui sont capables d’aller tuer n’importe qui !"
Une île sens dessus dessous
À la nuit tombée, ils sont des centaines, masqués, à piller les commerces et à brûler des voitures. Des violences urbaines qui se sont intensifiées ces derniers jours et qui provoquent un sentiment de dégoût chez certains commerçants. "C’est un sentiment de nerf aussi parce qu’avec tout ce qu’on a subi cette année, on n'avait pas besoin de ça... Plusieurs personnes vont se retrouver au chômage", témoigne Julien Guedj, gérant d’un magasin de chaussures sur l’île.
Pour aider les autorités sur place, le gouvernement a annoncé l’envoi de 200 policiers et gendarmes et le renfort d’une cinquantaine de membres des troupes d’élite du GIGN et du Raid. "Nos forces sur place n’ont pas l’expérience de gens qui ont décidé de faire de la guérilla", soutient Christian Prouteau, fondateur du GIGN, au micro de Laurence Ferrari.
Une situation insurrectionnelle
Ce week-end, 38 personnes ont été arrêtées. "Dans les premiers lots d’interpellations, on a du délinquant chevronné, multiréitérant (…) ce qui se passe en Guadeloupe ça s’appelle du pillage, des exactions gravissimes", commente David Le Bars, secrétaire général SCPN/UNSA. Outre les pillages de magasins, le week-end a été marqué par un incendie dans les locaux des douaniers dans la nuit de vendredi à samedi à Pointe-à-Pitre selon Le Figaro. Une information confirmée par le service police-justice d’Europe 1. Les locaux ont aussi été volés. Parmi les coffres-forts présents dans les locaux, l’un d’eux a été embarqué par les voleurs. Il contiendrait des armes de guerre : des pistolets de 9 mm semi-automatiques Sig-Sauer, un fusil à pompe et un pistolet automatique 9 mm. À ce stade, les autorités ne savent pas si les malfaiteurs ont réussi à ouvrir le coffre. Une enquête pour vol avec dégradation en bande organisée, menée par la Section de Recherches de la Gendarmerie de Guadeloupe, a été ouverte par le procureur de la République de Pointe-à-Pitre.
Une situation explosive qui pourrait toucher d’autres îles voisines comme la Martinique et La Réunion et qui pourraient, elles aussi, s’embraser selon François Pupponi, député apparenté Modem du Val-d’Oise. Le couvre-feu, instauré vendredi, reste en vigueur sur l'île de 18 heures à 5 heures du matin.