Après 45 jours de conflit en Ukraine, comment appréhende-t-on la guerre ? Pour la psychanalyste et historienne Élisabeth Roudinesco, en temps de guerre la psychanalyse permet de prendre du recul sur soi et ses angoisses, mais aussi sur ses libertés. "Pour pouvoir exprimer librement son inconscient, il faut qu'il y ait une liberté", explique l'universitaire au micro de Jean-Pierre Elkabbach.
"La psychanalyse a toujours été interdite dans les dictatures. En Russie par exemple, elle s'est réimplantée au moment de la perestroïka. Toute dictature empêche la psychanalyse pour la simple raison qu'il n'y a pas un État de droit qui permet la liberté absolue" ajoute-t-elle.
"On s'accroche toujours à l'espoir que ça va s'arrêter"
Selon l'experte, les images violentes qui parviennent régulièrement des zones de conflit ukrainiennes s'ajoutent aux angoisses du quotidien. Ces nouvelles angoisses sont toujours présentes chez les patients, mais à des degrés divers. "Il y a des gens qui n'ont pas du tout besoin de parler de ces phénomènes extérieurs et qui sont concentrés sur eux-mêmes", détaille-t-elle. Mais certains trouvent nécessaire d'en parler à leur médecin.
"On s'accroche toujours à l'espoir que ça va s'arrêter, que les dictateurs vont être punis et qu'il va y avoir à un moment donné une autre vie." Pour Élisabeth Roudinesco, les guerres ont toujours provoqué dans l'Histoire des changements considérables de sociétés, de psychisme.
S'interroger sur son mal-être
Dans l'histoire, les névroses de guerre ont été très bien étudiées. Il y avait toujours des psychanalystes pour étudier les particularités des névroses de guerre, surtout chez les combattants. "Donc, bien sûr que ça entre en ligne de compte. Il y a une crise, des engagements. Et c'est vrai que dans nos sociétés et on le voit, on s'intéresse à une société individualiste, démocratique. On s'intéresse énormément à soi-même et à ses problèmes", analyse l'historienne.
La psychanalyste prévient qu'il est nécessaire lorsque l'on ressent des angoisses de s'interroger sur son mal-être. "Comment me débrouiller avec mon histoire, avec le présent? Comment me débrouiller? Parce que l'idée que je suis pour quelque chose dans ce qui m'arrive est fondamentale."
Vladimir Poutine est dans une logique "hors de la réalité"
Selon Élisabeth Roudinesco, le président russe Vladimir Poutine est un vrai paranoïaque et cela s'est illustré dans son offensive et sa communication au peuple russe.
"Attention, cela veut dire qu'il est dans une logique qui est hors de la réalité. Il se croit réellement en 1945. Il croit qu'il va vraiment libérer l'Ukraine du nazisme", confie l'experte.