Ce sont des repentis, sauf que ce n’est pas la mafia qu’ils ont quittée, mais le monde impitoyable du numérique. Jeudi soir dans Envoyé Spécial (21h10), France 2 propose un documentaire sur ces Repentis de l’appli, ces anciens employés qui ont travaillé au sein des géants américains pour rendre le plus addictif possible les smartphones, et qui aujourd’hui s’en mordent les doigts. "C'est ce qu'on retrouve dans chacun des personnages de ce reportage. Les repentis éprouvent une certaine forme de culpabilité", confirme Yvan Martinet, réalisateur du film, invité de Culture Médias, jeudi sur Europe 1.
"Il a inventé un outil et ce qu'il constate, c'est que ce que l'on fait de l'outil le dérange"
Premier exemple, celui de Tony Fadell. L’homme a travaillé pendant des années chez Apple, si bien qu’on lui doit 18 générations d’iPod et trois d’iPhone. "C’est un peu l’inventeur du verre. Il l’a inventé, soit. Maintenant si vous mettez de l’alcool dedans, il n’est pas responsable", explique Yvan Martinet. "Il a inventé un outil et ce qu'il constate, c'est que ce que l'on fait de l'outil le dérange."
Désormais, il appelle à combattre ce qu’il appelle un "monstre". "Il se rend compte que quand il est au restaurant, comme nous tous, il voit autour de lui ces familles qui, au lieu de se parler au lieu de se regarder, sont toutes sur leur portable. Et évidemment, ça le navre", poursuit le journaliste. "C'est même l'occasion de scènes de ménage chez lui puisque sa femme l'engueule parce que les enfants sont trop scotchés au portable."
"Un jour, il s'est réveillé avec, allongé à côté de lui, la culpabilité"
Autre "repenti de l’appli" : Guillaume Chaslot. Cet ingénieur français est un ancien de YouTube, où sa mission était de rendre l’application la plus addictive possible. Désormais, il est lanceur d’alerte. "Il n'a pas inventé l'algorithme, mais il l'a perfectionné. Il l'a rendu encore plus efficace. Et un jour, il s'est réveillé", explique Yvan Martinet. "Il avait évidemment un très bon salaire, il roulait en Porsche, il vivait en Californie, il allait surfer, etc. Mais un jour, il s'est réveillé avec, allongé à côté de lui, la culpabilité. Il a dit stop et, de ce jour, il a décidé de se lancer dans une croisade."
Aujourd’hui, Guillaume Chaslot vit d’une bourse de Mozilla, fondation à but non lucratif qui promeut le logiciel libre sur Internet. "Il a finalement capté beaucoup l'attention après avoir quitté YouTube. C'était courageux. Il s'est vraiment lancé en renonçant à son salaire, donc sur ses frais, dans cette croisade. Et aujourd'hui, il est très identifié comme monsieur éthique", se félicite Yvan Martinet. Identifié au point, ironie de l’histoire, d’être aujourd'hui courtisé par… les géants du numérique.