Il a vu sa vie défiler le 13 novembre 2015. Arthur Dénouveaux, passionné de musique, assistait au concert du groupe Eagles of Death Metal au Bataclan le soir des attentats de Paris. À l'occasion de l'ouverture du procès historique des attaques du 13-Novembre au palais de justice de Paris cette semaine, le rescapé s'est confié longuement au micro d'Europe 1 dans l'émission Les Coulisses de l'info.
"En quelques minutes, j'ai vu ma vie basculer"
Président de l'association Life for Paris, qui rassemble les victimes de ces attaques, Arthur Dénouveaux raconte qu'il était déjà un habitué de la salle de concert parisienne. "J'avais quatre concerts d'affilée prévus au Bataclan : une fois les Eagles of Death Metal et Deftones les trois soirs suivants." L'amateur de musique métal se remémore sa première soirée, celle des attaques. "Je me retrouve dans la fosse, plutôt à l'arrière pour écouter le concert et avoir un bon son. En quelques minutes, j'ai vu ma vie basculer."
Alors que les terroristes ouvraient le feu, Arthur Dénouveaux se rappelle ensuite comment il est parvenu à s'extirper de la salle de spectacle. "J'ai réussi à m'enfuir en rampant par-dessus des corps de gens qui faisaient semblant d'être morts, ou qui l'étaient, par la sortie de secours à gauche de la scène. J'ai dû me cacher pendant 10-15 minutes à peu près."
"Un impact profond sur [sa] manière d'aborder la vie"
Quelques jours après, le rescapé avoue que ces quelques minutes l'ont atteint psychologiquement. "Ce qui est complètement fou, c'est que j'ai essayé de traiter ces instants comme si j'avais été juste témoin d'un truc et que je n'en avais pas été victime. Cela a eu un impact profond sur ma manière d'aborder la vie", explique le président de l'association des victimes. "Cela m'a demandé plus d'un an de psychothérapie, de la prise d'anxiolytiques, tout ce genre de choses. Cela a été un basculement hyper bref qui montre la violence du terrorisme. Pour moi, amateur de concerts, c'est un peu comme si on avait percé la bulle dans laquelle je pouvais m'isoler."
Pour Arthur Dénouveaux, l'engagement associatif a été salvateur : "J'ai pu réfléchir à la chose, comparer avec du monde, beaucoup en parler, et cela m'a permis de voir ce moment comme une expérience inacceptable mais profondément humaine. Celle d'un choc et d'un traumatisme dont on peut se remettre en essayant d'avoir une résilience collective".
La culpabilité du survivant
Le passionné de musique évoque également sa "culpabilité du survivant", qui a diminué en partageant son récit autour de lui. "Quand on ressort sans blessure physique du Bataclan, on se dit toujours qu'on aurait pu sauver deux personnes juste en prenant une balle dans le bras. Mais on ne peut pas revenir en arrière. En faisant cela, j'ai cicatrisé cette impossibilité de revenir en arrière", affirme Arthur Dénouveaux. Celui-ci voit dans le procès qui s'ouvre à Paris une façon de "resynchroniser" ce que les victimes ont vécu et de partager leur expérience avec tous les Français.
L'historien Denis Peschanski, directeur de recherches au CNRS, travaille sur la mémoire des rescapés des attentats du 13-Novembre. Il confie au micro d'Europe 1 avoir eu au téléphone Arthur Dénouveaux, revenu assister pour la première fois à un concert dans la salle du Bataclan. Il raconte que le passionné de musique gardait un œil attentif à la porte d'entrée et la sortie de secours qu'il connaissait désormais, et qu'il avait plutôt bien vécu ce retour dans la salle de concert. Un exemple fort de résilience.