Des dommages et intérêts divisés par 4.900 et pour la première fois, la reconnaissance d’une part de responsabilité de la Société générale. Ce vendredi, la cour d’appel de Versailles a ramené de 4,9 milliards à un million d’euros les dommages et intérêts dus par Jérôme Kerviel à la banque. Elle l'a déclaré "partiellement responsable du préjudice" subi par son ancien employeur mais a estimé "que les carences dans l’organisation et les dispositifs de contrôles et de sécurité de la banque (…) avaient un caractère fautif au plan civil." Ces manquements ont "concouru à la production du dommage, limitant le droit à indemnisation de la Société générale", a précisé la cour dans un communiqué.
Une première étape pour le clan Kerviel. Si la cour n’a pas été aussi loin que le parquet qui réclamait l’annulation pure et simple des dommages et intérêts, cette baisse spectaculaire est une victoire importante pour le clan Kerviel. "La justice avance. Ça me donne de l'énergie pour continuer le combat", s’est réjoui l’ancien trader, à la sortie de l’audience qui n’a duré que quelques minutes. Et d’ajouter : "J’estime encore ne rien devoir à la Société générale."
La décision, susceptible d'un pourvoi en cassation, n’innocente pourtant pas Jérôme Kerviel, condamné pénalement à cinq ans de prison, dont deux avec sursis, pour des manœuvres boursières frauduleuses ayant causé, en 2008, la perte record de 4,9 milliards d’euros. Elle pointe, en revanche, les insuffisances de la banque en matière de contrôles internes qui ont conduit à cette dérive. En clair : si les mécanismes de surveillance avaient été plus efficaces, jamais le trader n’aurait pu commettre une telle fraude.
Une décision à double tranchant ? Reste à savoir si la décision de ramener les dommages et intérêts de 4,9 milliards d’euros – montant impossible à recouvrir – à un million d’euros n’est pas à double tranchant pour Jérôme Kerviel. Jusqu’à présent, la banque avait toujours affirmé ne pas vouloir "s’acharner" contre son ancien employé, indiquant qu’elle n’engagerait pas de procédure de recouvrement à son encontre. Mais ce vendredi à la sortie de l’audience, avant même la réaction de Jérôme Kerviel, l’avocat de la Société générale, Me Jean Veil, a estimé la décision "tout à fait satisfaisante". "Elle est exécutable", a-t-il ajouté.
La banque aurait-elle donc décidé de changer son fusil d’épaule ? Si c’était le cas, Jérôme Kerviel pourrait être contraint de s’acquitter de la somme à hauteur de sa "capacité contributive", comme l'exige l'arsenal législatif français. Il pourrait être ponctionné, tous les mois, sur son salaire, puis sur sa retraite. La banque pourrait réclamer l’argent engrangé par Jérôme Kerviel pour les droits d’auteur sur la publication de son livre et ceux qui proviendraient d’une éventuelle adaptation cinématographique. L’ancien trader a également obtenu une indemnité de 455.000 euros pour son licenciement jugé abusif par les Prud’hommes.
Des conséquences fiscales pour la Société Générale ? Malgré la satisfaction affichée du conseil de la Société générale, la banque ne s'attendait probablement pas à une baisse de 99,98% des dommages et intérêts. "Il est possible que la cour d’appel réduise de 10% les dommages et intérêts de Jérôme Kerviel. Peut-être de 20 ou 30 %. Tout ça n’est pas très inquiétant d’autant qu’il n’est pas capable de payer ni 4,9 milliards d’euros, ni même 50 %", déclarait ce vendredi matin Me Jean Veil sur Europe
D'autant qu'une baisse aussi vertigineuse des dommages et intérêts pourrait avoir de lourdes conséquences pour la banque en matière fiscale. En 2009 et 2010, la Société générale a touché près de 2,2 milliards d’euros de l’Etat au titre d’un régime fiscal accordé aux entreprises victimes de fraude. Dans un communiqué publié ce vendredi, le ministère des Finances a indiqué qu'il "allait réexaminer la situation fiscale" de la banque. Cet arrêt, favorable à Jérôme Kerviel pourrait-il pousser Bercy à revenir sur cette déduction fiscale et à réclamer le remboursement de cette somme ? "Lorsque le jugement sera paru, nous en tirerons toutes les conséquences", avait déclaré sur Europe 1 le secrétaire d’Etat au Budget, Christian Eckert. Et si la banque devait rembourser le "trop-perçu", le montant pourrait être largement supérieur à un million d’euros.