Ils font partie des 348 personnes mises en examen pour "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste" en France. Depuis mardi, quatre hommes comparaissent devant le tribunal correctionnel de Paris. Les trois premiers sont soupçonnés d'avoir participé à des entraînements et des patrouilles armées du groupe Etat islamique (EI), en 2014. Le dernier, en plus d'organiser le soutien de certains djihadistes, aurait - au moins - envisagé de rejoindre la zone irako-syrienne. Âgés de 26 à 31 ans, Christian Bouvier, Mohamed Benseghir, Oualid Jebali et Majoub Ettabaai ont un point commun : tous quatre sont originaires d'Albertville, en Savoie, et membres d'une importante filière, qui existait bien avant l'EI.
Un "émir" déjà condamné en 2011. Christian Bouvier, Mohamed Benseghir et Oualid Jebali, dont certains vivaient avec femmes et enfants en Syrie, ont été interpellés par les services secrets turcs en mars 2014. A bord d'un car, ils venaient de quitter un camp d'entraînement de l'EI et projetaient d'en rejoindre un autre. Au fil de l'enquête, un vaste réseau d'acheminement de djihadistes depuis la Savoie, dont faisait partie Majoub Ettabaai, a été démantelé. Malgré les suspicions des enquêteurs, ce dernier a toujours nié avoir séjourné en Syrie.
D'après les services de renseignement, au moins six autres hommes et une femme originaires d'Albertville se trouvent encore en Syrie, dont certains sont directement reliés aux quatre prévenus. Oualid Jebali et Majoub Ettabaai ont, par exemple, chacun un frère dans la zone contrôlée par l'EI. Parmi les Savoyards de Daech figure également un certain Hicham Berrached, désigné comme "l'émir", le chef de la filière, par les hommes interpellés.
Un recruteur algérien expulsé en 2014. Le nom d'Hicham Berrached pousse les enquêteurs à penser que la filière d'Albertville n'est pas née ex nihilo. En 2011, alors que l'Etat islamique n'existait pas sous sa forme actuelle, le futur "émir" a en effet été condamné par le tribunal correctionnel de Paris à trois ans de prison, dont 18 mois avec sursis, pour avoir financé le djihad en Afghanistan. La même année, dans la même région, un autre homme a été condamné pour avoir organisé l'envoi de djihadistes vers le même pays.
Dernière pièce du puzzle : selon une source proche du dossier, les deux hommes condamnés en 2011 connaissaient Sala Bouhabila, un Algérien de 37 ans, premier ressortissant étranger immédiatement expulsé pour implication dans une filière djihadiste, en 2014. Interpellé en Turquie, dans un car convoyant un groupe de Savoyards vers la Syrie, l'homme soupçonné de recruter dans le quartier populaire du Val des Roses, avait fait les frais du plan "anti-djihad". À ses proches, Sala Bouhabila avait dit partir faire de l'humanitaire. Il projetait en fait de rejoindre l'ancêtre de l'EI, l'Etat islamique en Irak et au Levant.
Des revenants passibles des assises. Le nombre exact des membres acheminés par le réseau dans la zone irako-syrienne est aujourd'hui difficile à établir, les décès de combattants étrangers restant souvent non confirmés. La mort d'Hicham Berrached, annoncée à l'été 2014, est par exemple toujours donnée au conditionnel. Ceux qui ont été identifiés font l'objet d'un mandat d'arrêt et d'une mise en accusation : s'ils rentraient en France, ils seraient jugés aux assises et non au tribunal correctionnel. La justice établit en effet un distinguo entre les djihadistes revenus avant janvier 2015, et ceux restés dans la zone après les différents attentats parisiens, jugeant que ces derniers "adhèrent nécessairement" aux objectifs de l'EI.