Victimes de leur succès, certains sites touristiques français font face à un afflux de visiteurs venus du monde entier, qui surpassent de loin les possibilités d’accueil ou de circulation. Si le gouvernement a déjà commencé à plancher sur le sujet, avec la mise en place d’un groupe de travail, ce "surtourisme" pose d'ores et déjà des questions d’ordre écologique, quand il ne vient pas directement gâcher le cadre de vie des locaux.
Ainsi, sur la route des Goudes à Marseille, en plein cœur du parc national des Calanques, le cadre paradisiaque qu’offrent la mer, les petites villa ombragées et les villages de pêcheurs peut virer au cauchemar à l’approche des beaux jours. "Ça peut aller d’une heure et demi à deux heures de bouchon, au pas, avec des gens qui ont leurs enfants dans la voiture", rapporte auprès d'Europe 1 Jean-Pierre, qui réside à l'année près de la calanque de Samena. "Il y a des gens qui en viennent aux mains. Comme il y a la queue pour repartir, certains doublent et bloquent la file d’en face. Ça crée des tensions. Ils ont mis des panneaux 'retour difficile', mais ça ne règle pas le problème", s’agace encore ce riverain. "Si quelqu’un nous invite le samedi soir, soit on part à deux heures de l’après-midi, soit on y va en moto."
"Pique-niques sauvages, apéros, fêtes, soirées… ça n’arrête pas"
La surfréquentation a également des conséquences lourdes sur l’environnement. Eric Askopian, président de l’association Clean my calanques, a déjà organisé deux ramassages de déchets dans la zone. "On a ramassé 46 sacs de 100 litres, remplis de plastiques à usage unique", explique-t-il. "Les calanques, ce sont des millions de visiteurs par an. Pique-niques sauvages, apéros, fêtes, soirées… ça n’arrête pas", déplore cet associatif. Pour compenser l'afflux de visiteurs, certains riverains souhaitent proposer des limitations d'accès en voiture, mais réclament également l'installation de poubelles et autres bennes de tri sélectif.
Un phénomène de surfréquentation qui ne concernerait que quelques sites en France
Néanmoins, pour Didier Arino, directeur général de Protourisme, un cabinet d’études spécialisé dans le secteur touristique, ce type de surfréquentation reste encore relativement limité à l'échelle du territoire. "Il y a quelques sites, c’est-à-dire moins de 0,5% des sites français, pour lesquels il peut y avoir des problèmes quelques jours dans l’année. Mais nous ne sommes pas dans une économie où le tourisme aurait pris le pas sur tout le reste", balaye ce professionnel.
"Il y a quelques cas pour lesquels il faut traiter le problème en régulant les flux et en ayant un raisonnement plus qualitatif que quantitatif", concède-il. Il estime ainsi que les collectivités et les professionnels du secteur devraient se pencher sur l’attractivité de certains sites encore trop méconnus des touristes, que les tour-opérateurs et les guides ont tendance à diriger vers "quelques grands spots" uniquement.
"On ne peut pas empêcher les gens d’aller voir ce qu'ils veulent voir"
"On ne peut pas empêcher les gens d’aller voir ce qu’ils veulent voir, mais on peut essayer d’adapter. Nous avons un vrai défi : rester le leader du tourisme mondial en proposant un tourisme plus durable, plus proche des populations et plus vertueux", conclut Didier Arino. Et pour relever ce défi, un groupe de travail interministériel a été mis en place sur le thème "développement durable et tourisme". Leurs conclusions donneront lieu à une liste de préconisations qui sera remise à Matignon pour la fin de l'année.