Depuis janvier et jusqu'en mars prochain, Dunkerque se met à l'heure du carnaval chaque week-end. Mais un des moments forts de cet événement, la 50e Nuit des noirs, programmée le 10 mars, suscite la polémique. De nombreuses associations et militants anti-racistes dénoncent la tenue de cet événement où des carnavaleux se griment le visage en noir. Sur sa page Facebook, la Brigade anti-négrophobie dénonce ce "blackface", rappelant que la pratique tient à "des origines incontestablement racistes et coloniales".
"Les Dunkerquois trouvent cette polémique un peu ridicule". Martine Combe, propriétaire depuis trente ans de la boutique de déguisement "Carnamania" à Dunkerque, "ne comprend pas" cette polémique. "C'est un bal comme les autres, organisé par une association qui s'appelle 'Les Noirs', qui existe depuis plus de cinquante ans et qui n'est pas du tout raciste", affirme Martine Combe. Selon elle, il y a des groupes de majorettes, de Chinois, de curés, de religieuses, et cela ne pose pas de problèmes. "Il n'y a aucune connotation raciste dans cette Nuit des noirs", justifie-t-elle. "Les Dunkerquois trouvent cette polémique un peu ridicule : c'est rentré dans les mœurs, dans les habitudes".
"On n'a pas à s'amuser à se grimer en noir, car ce n'est pas un jeu". Mais pour Maître Joanes Louis, l'un des avocats du Cran (Conseil représentatif des associations noires de France), "on n'a pas à s'amuser à se grimer en noir, car ce n'est pas un jeu : c'est une identité qui renvoie à une histoire". Selon l'avocat, il faut inscrire ce débat dans une démarche historique, celle de la "blackface". Cette pratique, où des acteurs blancs se grimaient en noir pour jouer des personnages caricaturaux, était représentative du "regard des blancs sur les esclaves noirs", comme le rappelait Sylvie Chalaye, anthropologue des représentations coloniales, sur le site Slate.fr.
"On a déjà travaillé pour les Pays-Bas, qui organisait ce genre de manifestations culturelles qui existaient depuis plus de 200 ans. (...) L'ONU a condamné cette pratique qui, quand bien même elle était coutumière, ne correspondait plus aux mœurs d'aujourd'hui", explique Maître Joanes Louis.
"C'est bon esprit pour les gens qui ne sont pas concernés pas les discriminations". Pierre d'Almeida, journaliste à BuzzFeed et auteur d'articles sur le "blackface", détaille en quoi cette pratique du carnaval de Dunkerque pose problème. "Le soucis du 'blackface', c'est qu'on part du principe qu'être noir, cela peut être mis comme enlevé, et que ce n'est pas du tout lié à une expérience de vie, à une discrimination qui est connue au jour le jour", indique-t-il. "Et on rend ça trivial avec du déguisement".
Quant à l'argument des défenseurs de la Nuit des noirs, qui estiment que cet événement est "bon enfant" et qu'il n'est pas raciste, Pierre d'Almeida souligne : "c'est bon esprit pour les gens qui ne sont pas concernés pas les discriminations et le fait d'être noir".